L'héritage d'Amérique

Texte : Marie Josèphe Moncorgé

Tomate, pomme de terre, courge, haricot, maïs, arachide, piment, cacao, vanille, ananas... dinde, tous ces produits sont inconnus en Europe, en Asie et en Afrique avant la découverte de l'Amérique en 1492, par Christophe Colomb.

Notre mémoire alimentaire est très courte.
Elle se limite souvent aux saveurs et aux produits découverts dans l'enfance. Si nous faisons un effort, nous remontons dans un "très lointain passé", c'est à dire seulement aux souvenirs d'enfance de nos grands-parents. C'est pourquoi la cuisine du 19e siècle ou du début du 20e siècle nous semble une cuisine qui a toujours existé, celle que nos ancêtres ont toujours mangé depuis "la nuit des temps".

Héritage d'Amérique : cacao en Colombie

Cacao en Colombie : Photo by Pablo Merchán Montes on Unsplash

La plupart d'entre nous sont alors très surpris d'apprendre que nos fameux produits du terroir sont parfois une invention récente à l'échelle historique. Peut-on imaginer la cuisine méditerranéenne sans tomates ni courgettes ? la cuisine savoyarde sans pommes de terre ? la cuisine indienne sans piment ? la cuisine africaine sans manioc ?

Voici une petite liste de produits qui ne seront parfois pas consommés avant le 19e siècle, parce qu'ils proviennent tous d'Amérique centrale ou d'Amérique latine.

Produits originaires d'Amérique, inconnus en Europe, en Asie et en Afrique à l'époque médiévale

Parmi ces produits originaires d'Amérique, la pomme de terre et le maïs ont fait rêver les humanistes du 19e siècle : très nutritifs, n'étaient-ils pas la solution miracle pour supprimer enfin les famines qui ravageaient régulièrement l'Europe depuis le Moyen Age ?

Lire l'article : Pomme de terre et maïs : aliments anti-famine au 19e siècle ?


Ananas

Christophe Colomb découvre l'ananas lorsqu'il arrive en Guadeloupe en 1493. Ce fruit de la famille des broméliacées est originaire du Brésil (nana signifie parfumé en guarani), mais aussi du Nord de l'Argentine et du Paraguay.

Héritage d'Amérique : ananas aux Açores, Portugal

Plantação de Ananases - Arruda, Açores, Portugal
Ananas : Photo by Sara Cardoso on Unsplash

L'ananas est décrit pour la première fois par Gonzales Fernandez de Oviedo y Valdes (1535, Séville).

Jean de Léry dans son journal de bord en la terre de Brésil (1557) cite la plante qui produit le fruit nommé par les sauvages ananas. Il écrit ensuite : Et au reste, quand ces ananas sont venus à maturité, ils sont de couleur jaune azuré et ont une telle odeur de framboise qu'en allant par les bois et autres lieux où ils croissent, on les sent de fort loin; de plus, ils fondent dans la bouche et sont naturellement si doux qu'il n'y a confitures en ce pays qui les surpassent. Je tiens donc que c'est le plus excellent fruit de l'Amérique.

Les Portugais puis les Espagnols acclimatent l'ananas le long des voies maritimes au 16e siècle. Il est à Sainte-Hélène en 1505, à Madagascar en 1548, en Inde en 1545, à Java en 1559, en Indonésie. En 1656, l'ananas est décrit en Chine par le père Boym, un missionnaire catholique, comme venant du Brésil.

En 1716, Michael Friedrich Lochner, un médecin et botaniste allemand de Nuremberg, écrit, en latin, un Commentaire sur l'ananas qui fait le point sur les connaissances de ce fruit (description, variétés, culture, santé, cuisine).

Dans Ananas reine des Plantes, on apprend, dans l'introduction, que l'ananas est d'abord expédié confit dans le sucre et entier en Europe. Il est ensuite introduit depuis la Guinée, par la Belgique, selon Charles de l'Ecluse (1605). De nombreuses tentatives de culture sous serres chauffées sont faites au 17e et 18e siècle. Selon l'Encyclopédie du commerçant (1841), le premier ananas cru aurait été mangé par Louis XV à Versailles en 1733. A partir de 1730, on trouve une production d'ananas de serre en Grande-Bretagne, puis dans le reste de l'Europe, production limitée et réservée à une élite.

Vers 1880, une culture plus industrielle d'ananas sous serres chauffées se développe en région parisienne, dans le nord de la France et en Belgique. C'est un fruit de luxe, concurrencé par l'ananas importé, en boîte. Cette production a disparu avec le développement des expéditions d'ananas frais par avion.

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Arachide

Héritage d'Amérique : arachides aux USA

Arachides aux USA : Photo by Akshay Nanavati on Unsplash

L'arachide est une légumineuse (Arachis hypogea) appelée tlacacahualt chez les Aztèques du Mexique, d'où elle est originaire. D'où son nom de cacahouète.

Le mot d'arachide vient du grec arakhidna, gesse.

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Cacao, chocolat

Cacahuaquchtl, l'arbre des dieux Mayas.

Le cacaoyer est un petit arbre de 5 à 6 m (Theobroma cacao L.), originaire des forêts vierges du Yucatan et du Guatemala.

Héritage d'Amérique : cabosses de cacao

Les gros fruits, appelés cabosses, contiennent 20 à 40 graines ou fèves qui, après avoir été fermentées, séchées, torréfiées, broyées, donneront la pâte de cacao, puis le cacao.

En Côte d'Ivoire : cabosses (en haut) et séchage des fèves (en bas)
Photos : Jacques Bouchut

Héritage d'Amérique : séchage du cacao en Côte d Ivoire

Les Mayas et les Aztèques faisaient griller les fèves, les écrasaient et mélangeaient la poudre avec de l'eau bouillante assaisonnée de piment ou de musc et de miel, ou de farine de maïs.

Ils buvaient ensuite le tchacahoua (en maya) ou le tchocoatl (en aztèque), réputé aphrodisiaque. Les Espagnols européanisèrent cette boisson en remplaçant le piment par la vanille, le sucre et la crème. Elle s'appela alors "chocolate". Cortez la rapporta en Espagne en 1527. En 1585, on en parlait déjà dans toute l'Europe.

En 1671, la marquise de Sévigné écrivait à sa fille Mme de Grignan : Si vous ne vous portez point bien, vous n'avez pas dormi, le chocolat vous remettra.

Miracle du chocolat : Les épices, utilisées en Europe dès l'Antiquité, abondamment consommées au Moyen Age, sont toujours considérées comme exotiques, ne faisant pas partie de la tradition culinaire européenne. Le chocolat, consommé seulement depuis le 17e siècle, est presque devenu un produit du terroir, tellement l'art du chocolatier s'est imposé comme intemporel.

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Courge, courgette, potiron, citrouille

La grande famille des cucurbitacées vient d'Amérique : cucurbita pepo, la citrouille, vient du Mexique et du Sud des Etats-Unis; cucurbita maxima, le potiron, vient des régions tempérées d'Amérique du Sud (Chili, Argentine, Pérou, Bolivie); cucurbita moschata, la courge musquée, vient du Nord-Ouest de la Colombie et du Mexique.

Héritage d'Amérique : courges callebasses et potimarrons

2 courges callebasses (allongées, rosées)
et 4 potimarrons (rouges) sur le marché de Friburg (Allemagne).


Héritage d'Amérique : courgette

La courgette est une variété récente de cucurbita pepo : une petite courge récoltée avant son plein développement. Le mot de courgette apparaît dans le Larousse de 1929.

La seule courge que connaît l'Europe médiévale est la gourde (cucurbita lagenaria vulgaris) ou courge calebasse ou cougourde, originaire d'Asie méridionale. Elle se consomme alors en potage (et s'appelle congorde chez Taillevent et courge dans le Ménagier de Paris) ou en tarte (et s'appelle zucche chez Martino).

La citrouille sculptée, creusée et illuminée de l'intérieur par une bougie pour faire peur, qu'on voit au moment de la fête d'Halloween, était à l'origine un navet, sensé représenter la légende irlandaise de Jack-o'-lantern qui a défié le diable.

Le navet a été remplacé par la citrouille orange, plus grosse et facile à creuser, quand les Irlandais se sont exilés aux Etats Unis pendant la Grande famine entre 1845 et 1852. Au début du 20e siècle en Irlande, on continuait à utiliser le navet local plus que la citrouille américaine.

Héritage d'Amérique : courges pumpkin aux USA

Pumpkins aux USA : Photo by Lesly Juarez on Unsplash

La courge médiévale européenne.

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Dinde

La dinde a été définie, en français, comme une poule d'Inde (appelée ensuite plus simplement dinde). On a aussi pensé qu'elle venait de Turquie : elle s'est donc appelée turkey en anglais. Mais les Turcs l'appelaient poule d'Egypte (tavuk-i misri) ! L'espagnol ne semble pas faire la différence entre dinde (pavo) et paon (pavo real) et l'italien appelle la dinde, selon les régions, gallina (poule) d'Inde, pollo (poulet) d'Inde ou tacchino (mot qui correspond à une onomatopée).

Héritage d'Amérique : dindon

La dinde vient d'Amérique. Elle a été domestiquée en Amérique centrale chez les Mayas entre le 1e et le 10e siècle. C'est une nourriture de roi et de seigneurs, mangée en pâtés ou en ragoûts (avec piments et courges).

Cortès décrit la dinde dans des lettres à Charles Quint et les conquistadores rapportent des spécimens de dinde en Espagne après 1500. La dinde arrive en France vers 1534 : la duchesse d'Alençon en élève dans son château à cette date.

Rabelais parle de "poulletz d'Inde" dans la deuxième édition du Pantagruel en 1548 (livre IV chapitre LIX). En 1549, la ville de Paris sert des dindes à un banquet offert à Catherine de Médicis. On retrouve la dinde officiellement servie pour la première fois au mariage du roi de France, Charles IX, en 1570.

A la même époque, la dinde arrive en Angleterre, dans les Pays Bas espagnols, en Italie. Mais la dinde n'est pas consommée en Turquie avant le 18e siècle.

Si la dinde était connue des élites, elle n'arriva pas forcément si rapidement dans les basses-cours populaires : les colons affamés du Mayflower ne l'avaient jamais vue en Angleterre, quand les Indiens leur offrir de la dinde, ce qui leur évitât de mourir de faim en novembre 1620. La fête américaine du Thanks giving commémore cet événement.

Les premières recettes de cuisine paraissent en Italie dans Opera de Scappi, en 1570, puis en Allemagne, dans Ein New Kochbuch de Marx Rumpolt en 1581. En France, c'est La Varenne, dans Le cuisinier français, qui publie les premières recettes de dinde en 1651.

Alors que d'autres produits d'Amérique ont provoqué la méfiance des consommateurs (c'est le cas de la tomate ou de la pomme de terre), la dinde, assimilée à une simple volaille, a rapidement été accueillie à la table des élites puis des bourgeois, cuisinée comme le poulet, le paon ou l'oie.

A la fin du 19e siècle, elle devient plat principal du repas de Noël. Au début du 21e siècle, elle trône encore au festin de Noël pour les tables les plus traditionnalistes, mais la dinde s'est tellement démocratisée qu'en filets ou en morceaux, achetés au supermarché, elle coûte moins cher que le poulet !

Pour en savoir plus sur le sujet, pour avoir les recettes européennes publiées au 16e et 17e siècles, l'article de l'historienne Liliane Plouvier : Introduction de la dinde en Europe.

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Haricot

Phaseolus vulgaris est une légumineuse originaire du sud Mexique, du Yucatan, des régions chaudes d'Equateur, de Bolivie et du Pérou. Appelé ayacotl en Amérique centrale, il arrive en Europe au 16e siècle et commence à être cultivé en Italie en 1528 (le chanoine Piero Valeriano a commencé à cultiver le haricot à partir de quelques grains offerts au pape Clément VII).

Héritage d'Amérique : haricots

Il aurait été cultivé dès 1594 dans la région de Cavaillon, mais à cette époque les faioulx sont-ils déjà des phaseolus ? Une chose est sûre : on trouve déjà de nombreuses variétés de haricots sur les marchés du Languedoc dès le 18e siècle. On les appelle parfois fève.Le haricot s'adapte si bien au climat européen qu'on le croit indigène et on oublie vite que le hericot ou haricot de mouton est une recette médiévale qui désigne un ragoût de viande.


Appelé mogette ou mongette, fagiole ou fasiole, on oublie que ces mots désignaient en réalité la dolique mongette (vigna unguiculata), appelée actuellement haricot à oeil noir, une légumineuse déjà cultivée en Italie du temps des romains sous le nom de Phasiolum.

Ce grain, plus petit que le grain de haricot américain, a pratiquement disparu des mémoires françaises. On le retrouve encore cultivé en Italie, en Espagne... et aux Etats Unis.

Le traditionnel cassoulet, confectionné à base de haricot, ne date pas de la nuit des temps (la Guerre de 100 :ans, si on en croit la légende). En fait, le cassoulet a 300 ans ou moins, comme la plupart de nos "produits du terroir" : le canard mulard, utilisé pour faire le confit, n'apparaît qu'au 18e siècle, au moment du développement du haricot lingot du Lauragais.

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Maïs

Christophe Colomb découvre le maïs à Cuba en 1492. Le maïs est présent en Amérique depuis toujours. On le trouve du Mexique aux Andes. Si on croit, en Europe, que le maïs est jaune, les épis de maïs peuvent être en réalité bleus, rouges, blancs, noirs ou même multicolores. C'est la nourriture de base des amérindiens, en bouillie ou en galette, comme le blé, transformé en pain, est la nourriture de base des européens.

Héritage d'Amérique : maïs au Guatémala

Récolte de graines indigènes pour les plantations de l'année suivante
Maïs au Guatémala : Photo by Roderico Y. Díaz on Unsplash

Le maïs commence à être cultivé dès 1520 au Liban, en Perse et en Egypte. Les Portugais le sèment ensuite en Afrique. Puis il passe dans les Balkans avant d'arriver en Europe où il est devenu "blé de Turquie". Il se développe en France principalement dans le Sud Ouest.

La polenta italienne et savoyarde, confectionnée traditionnellement, depuis les Romains, avec de la semoule de blé, devient alors polenta de maïs.


Sur Old cook : Pomme de terre et maïs : aliments anti-famine au 19e siècle ?

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Piment, poivron

Piment et poivron appartiennent au genre Capsicum, famille des solanées.
Les variétés de piment sont multiples, en forme, en couleur et en force : paprika, pili-pili...

Héritage d'Amérique : piments et poivrons aux USA

Piments et poivrons aux USA: Photo by Randy Fath on Unsplash

Le piment vient d'Amérique latine. Plusieurs espèces de piments sont originaires du Mexique, des Andes ou de la région Amazone-Caraïbe. Le piment a été découvert par Christophe Colomb à Cuba en 1493 où il s'appelait aji. Il l'a ramené en Espagne dès son premier voyage. Des marins basques auraient fait partie de son équipage, ce qui expliquerait la culture d'un piment doux dans la région d'Espelette.

Le poivron est une variété de piment doux qui apparaît en Europe du sud à partir du 18e siècle. Le Larousse gastronomique de 1938 l'appelle d'ailleurs "piment doux". Piment et poivron appartiennent au genre Capsicum, famille des solanées.

Au Mexique, les différentes variétés de piments étaient désignées sous le terme générique de chilli devenu chile puis chili.

Au Pérou, dans la région de Cuzco, le piment était considéré par les Incas comme un des éléments fondamentaux du mythe de la création du monde. Il était l'un des frères primordiaux Ajar Uchu (Uchu étant le piment en Quechua), qui personnifiait la joie et la beauté.

Aztèques et Mayas buvaient une boisson réputée aphrodisiaque, composée de piment et de cacao. Ils l'appelaient tchacahoua en maya ou tchocoatl en aztèque. Les Espagnols oublièrent le piment pour créer le chocolat !

Les variétés de piment sont multiples, en forme, en couleur et en force : paprika, pili-pili...

Le piment a voyagé vers l'Europe, l'Afrique et l'Asie dans les bagages des missionnaires et commerçants espagnols et portugais. Les Turcs ottomans l'ont découvert dans les comptoirs portugais du Proche Orient qu'ils ont envahi.

Facile à cultiver sous tous les climats, le poivre a vite remplacé le poivre, trop cher, dans certaines régions du monde. C'est pourquoi on l'a souvent appelé poivre du pauvre. Et plusieurs langues ne font pas la différence entre poivre et piment : pepper en anglais, pfeffer en allemand, peretz en russe ou fil-fil en arabe, tandis que l'espagnol parle de pimiento pour le piment et pimienta pour le poivre.

Le paprika est attesté en Hongrie depuis 1604. Il aurait été apporté par les Turcs pour remplacer le poivre. Il a d'abord été cultivé dans les zones occupées par les Turcs et habitées par des communautés bulgares. La consommation courante du paprika en Hongrie est attestée au 19e siècle. Il a été utilisé comme médicament lors de l'épidémie de choléra en 1831. Le paprika est devenu un produit du terroir symbolisant la Hongrie et on le retrouve partout, décliné en broderies, en poteries, dans des fresques, des peintures ou des sculptures. Le mot paprika serait à rapprocher du serbo-croate "papar" qui signifie poivre. On pense souvent que le paprika est un piment doux, mais il existe en Hongrie des variétés de paprika aussi fortes que les piments d'Afrique. D'après Emmanuel Le Roy Ladurie, le piment, qui pouvait être cultivé sur place, a aussi remplacé le poivre (épice importée donc trop chère) dans les fermes du Languedoc au 18e siècle.

Le piment a rencontré un tel succès qu'on a du mal à imaginer la cuisine indienne ou la cuisine africaine sans piment. La cuisine dite épicée est synonyme de cuisine pimentée. C'est pourquoi il faut expliquer régulièrement que la cuisine médiévale est une cuisine aux parfums d'épices, sans être une cuisine "épicée", puisque le piment était inconnu au Moyen Age en dehors de l'Amérique.

Le piment a été introduit par les Portugais au 16e siècle en Inde du sud, où il a très vite remplacé le poivre long en cuisine. Le piment est arrivé en Inde du nord seulement 2 siècles plus tard, grâce aux Marathes, un groupe de guerriers rebelles originaires du Deccan (Inde centrale), qui s'opposèrent à la fois aux Moghols et aux Portugais. On attribuait alors leur agressivité et leur virilité à leur forte consommation de piment.

Pour en savoir plus : Article paru sur Aquisud

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Pomme de terre

La pomme de terre (Solanum tuberosum) a commencé à être cultivée par les Amérindiens en Bolivie, au Pérou et au Chili. L'Espagnol Pedro Cieza décrit les papas vraisemblablement en 1533, bien qu'un manuscrit de la BNF mentionne la date de 1553. Des plants de pomme de terre sont cultivés aux Canaries (à mi chemin entre l'Amérique et l'Espagne). On trouve la première trace écrite des patatas dans un bon de livraison daté du 25/11/1567 entre Las Palmas (Canaries) et Anvers. En 1574, un autre bateau venant des Canaries en livre à Rouen en 1574. Il semble que les premières plantations en Europe continentale se font vers 1570.

Un témoignage très intéressant de 1785 du marquis de Satillieu, Charles du Faure de Saint-Sylvestre, homme de lettres et politique ardéchois, député de la noblesse sous la Révolution et premier président du Conseil Général de l'Ardèche en 1802 indique une arrivée de la pomme de terre en Ardèche vers 1540 :

La pomme de terre était connue sous le nom de truffole, et c'est vers 1540, dans notre Haut-Vivarais, sur le territoire du village de Saint-Alban d'Ay, au hameau de Bécuze à trois lieues d'Annonay que ce tubercule a été semé pour la première fois dans le Royaume, ayant été importée par un moine franciscain de Tolède, en Espagne, nommé Pierre Sornas, natif de Bécuze, qui très âgé, s'était retiré dans sa famille. De Saint-Alban d'Ay, la culture de la truffole s'étendit aux localités et villages voisins : Annonay, Satillieu, Saint-Romain d'Ay, Saint-Jeure d'Ay, Préaux, Saint-Symphorien-de-Mahun, Quintenas, Roiffieux et Vanosc, puis dans toute la partie septentrionale du Vivarais, où des vastes champs furent ensemencés en truffoles et qu'on appela truffoliers. La truffole fut d'abord une nourriture pour les bestiaux, le porc principalement; mais on ne tarda pas à mettre cet aliment sur la table, chez le paysan et chez l'artisan, puis chez le seigneur. Tous le trouvèrent agréable au goût, nutritif. En 1585, il y a deux cents ans, la truffole était une marchandise courante, à Annonay, Satillieu, Saint-Félicien, La Mastre, Le Cheylard et Tournon, puis Saint-Péray et Valence. Au commencement du dix-septième siècle siècle, la truffole se cultivait aussi dans le Dauphiné, le Forez, le Velay, une partie de l'Auvergne, et dans quelques autres provinces.
Texte cité par Joël Ferrand, historien, association La truffole fonds historique - texte publié par Georges Massot, Proverbes et dictons d'Ardèche et savoir populaire, Editions de Candide, Lavilledieu, 1983.

Joël Ferrand indique également : grâce aux livres de raisons laissés par l'avocat protestant Isaac Tourton, nous savons qu'à la date du samedi 10 avril 1694 les truffes blanches se sont vendues 22 sols la quarte au marché de la place de la grenette. Ces documents présentent la caractéristique d'être, à ce jour, les plus anciens écrits connus attestant officiellement de la vente de pommes de terre sur un marché public en France.

Un botaniste, Pierre de l'Ecluse, a cultivé, en 1588, quelques pommes de terre pour les examiner et les a appelé taratufli (petite truffe). Ce qui a donné kartoffel en Allemagne et cartoufle en français. Joël Ferrand, étudiant les différentes appellations de la pomme de terre dans les différents patois ardéchois retrouve :

Les soldats espagnols et anglais, assimilant la pomme de terre à la patate douce (papas), l'appellent petite patate : patata en espagnol, potatoe en anglais. La pomme de terre s'appellerait pomme de terre, en français, à partir de 1716, voire 1750. Il semble que le mot soit en réalité employé antérieurement : Valentin Jamerey-Duval, jeune paysan du début du 18e siècle, originaire de l'Yonne, fuit la misère en direction de la Lorraine, alors pays prospère et duché indépendant de la France. Il décrit, dans ses Mémoires (Minerve, 2011), son passage difficile du statut de paysan illettré à celui de bibliothécaire érudit, par la force de son désir d'apprendre puis le soutien d'un mécène lorrain. Arrivé dans les Vosges, près d'Epinal, il est accueilli dans un ermitage en 1710. L'ermite lui sert à manger du miel, des fruits et pour remplacer le pain absent, un plat de racines cuites sous la cendre, connues en Lorraine sous le nom de pommes de terre. Il ne connaissait pas ces racines et trouve ce mets assez insipide.

En fait, la pomme de terre passe d'Espagne en Allemagne via les armées espagnoles pendant la guerre de Trente Ans et arrive en France par l'Est. Parmentier la découvre en Allemagne et la fait connaître à Paris en 1783. On connaît l'anecdote du champ gardé pour encourager le vol, mais la pomme de terre était déjà connue et cultivé dans d'autres régions de France à la même époque : en Vivarais, en Franche-Comté et en Alsace.

La véritable histoire de la pomme de terre frite par Pierre Leclercq, historien, Université de Liège : 1e partie - 2e partie - 3e partie.

Sur Old cook : Pomme de terre et maïs : aliments anti-famine au 19e siècle ?

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Tomate

La tomate (Solanum lycopersicum) est originaire du Mexique. L'ancêtre de la tomate cultivée pourrait être une variété du type tomate cerise. La tomat était consommée par les indiens sous forme de sauce au piment.

La tomate a été décrite en 1544 par le naturaliste Petrus Andreas Matthiolus comme un produit dangereux, apparenté à la mandragore. Elle fut longtemps considérée comme une plante médicinale et un peu toxique. On l'appelle alors Pomme d'or ou Pomme d'amour. Elle restera pomodoro en italien.

Héritage d'Amérique : tomates, d'après l'Herbal de Gérard

Tomate ou pomme d'amour,
d'après l'Herbal de Gérard, 1633
Museum national d'histoire naturelle, Paris


La tomate arrive en Europe via Naples, alors catalo-aragonaise. Puis remonte l'Italie vers Gènes avant d'arriver à Nice et en Provence. D'après Emmanuel Le Roy Ladurie, la tomate s'est acclimatée en Languedoc à partir de 1590.

En réalité, la tomate va mettre un certain temps avant d'être un légume acceptable pour l'ensemble de l'Europe. En 1760, le catalogue Vilmorin Andrieux la classe comme une plante ornementale. Elle deviendra plante potagère seulement en 1778. Il faut attendre 1785 pour que l'encyclopédie du jardinage Le Bon Jardinier la classe comme légume. Il faut attendre, comme pour la pomme de terre, la révolution française pour que sa consommation se développe. Les Trois frères provençaux et Le Boeuf à la mode, 2 restaurants parisiens tenus par des provençaux la mettent à leur menu.

Dans la seizième édition, en 1838, du Cuisinier royal de Viard, un livre de cuisine français, les nombreuses recettes de "cuisine provençale" ne comportent pas de tomate. On trouve seulement 3 recettes de sauces tomate, une recette de potage à la purée de tomate et des tomates farcies. La tomate n'est pas encore un produit qu'on mélange à d'autres.

La première recette de pâtes italiennes à la sauce tomate a été écrite en 1891 par Artusi, dans La scienza in cucina : une recette de macaronis à la napolitaine.

Peut-on imaginer les cuisines méditerranéennes sans tomate ?

Pour en savoir plus : Article paru sur Aquisud


Topinambour

Oldcook : légumes oubliés - topinambours

Voir article Légumes oubliés.

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Vanille

Vanilla planifolia est une orchidée tropicale, liane parasite des arbres des jungles d'Amérique centrale, et du nord de l'Amérique du Sud. La vanille est le fruit de cette orchidée. On fait bouillir les gousses puis on les sèche, cela donne cette tige noire et parfumée que l'on connaît.

La culture de la vanilla fragrans, la plus parfumée, fut très difficile à réussir, hors de sa zone d'origine : il manquait les mélipones, des abeilles sans aiguillon, qui assuraient sa fécondation. La fécondation artificielle a été imaginée vers 1830. La vanille est devenue un parfum indispensable à la pâtisserie.


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