La diététique chinoise
Texte : Marie Josèphe Moncorgé
- 5 éléments, 5 tempéraments, 5 saveurs...
- Règles simples pour cuisiner Chinois
- Les origines de la médecine chinoise :
- L'équilibre est le fruit d'un mouvement entre le Yin et le Yang. Le Qi ("tchi"), force vitale : Principes.
- Les aliments doivent être consommés très frais, pour préserver leur énergie : Cuisine de saison.
Caractéristiques
Selon la vision du monde des Chinois, l'équilibre est le fruit d'un mouvement constant entre le Yin et le Yang. Le Qi (qu'on prononce tchi) permet aux êtres vivants de croître et se multiplier, de bouger et de penser. Aussi invisible que l'électricité, le Qi circule dans le corps humain le long des méridiens. Sur ce réseau, on peut repérer des points d'acupuncture.
L'univers est composé de 5 éléments qui se contrôlent et s'équilibrent les uns les autres et, en se succédant, se génèrent les uns les autres :
le Bois | le Feu | la Terre | le Métal | l'Eau |
A chaque élément correspond un tempérament :
Elément | Tempérament |
---|---|
Bois | énergique, expansif, stimulé par le défi et l'action |
Feu | passionné, fusionnel, un certain charisme, peut être anxieux |
Terre | modéré, pacifique, jovial, serviable |
Métal | organisé, aime l'ordre, respecte l'autorité et les rituels |
Eau | introspectif, discret, besoin de sécurité, peut se sentir seul |
Selon la diététique chinoise, les aliments sont classés selon 5 saveurs, 5 couleurs, 5 consistances.
Aliments | Bois | Feu | Terre | Métal | Eau |
---|---|---|---|---|---|
5 saveurs | acide | amer | doux | âcre | salé |
5 couleurs | vert | rouge | jaune | blanc | noir |
5 consistances | dur | fibreux | charnu | croquant | mou |
Les Chinois consomment moins de viande, de graisses et de sucre que les Occidentaux et plus de céréales, de légumes secs, de légumes verts et de fruits. La répartition conseillée est de 40 à 60 % de céréales et de légumes secs, 20 à 30 % de légumes et de fruits et 10 à 15 % de viandes, poissons, graisses et laitages.
Selon la diététique chinoise
Un repas chinois diététique va tenir compte de la saison, de la santé des convives, de la composition de chaque plat, ainsi que de la couleur des ingrédients.
Par exemple, si le cuisinier sait que vous avez de l'hypertension (trop de Yang), il évitera de vous donner à manger des aliments Yang, comme la charcuterie, des fritures, des nourritures trop sucrées ou de l'alcool. Il vous fera manger dans une atmosphère calme et fraîche et vous proposera des aliments neutres ou Yin : des poissons ou des fruits de mer Yin, du riz ou des céréales cuites à la vapeur, des légumes.
Pour manger un plat équilibré Yin - Yang, il suffit de confectionner une recette à base de pâtes (blanc, froid, amer) accompagnées de chou (vert, froid, acide), de crevettes (blanc, tiède, doux et salé), de champignons noirs (noir, neutre, piquant), de viande salée (rouge, froid, doux) et des oeufs cuits et coupés en lamelles (jaune, neutre, doux). On peut remplacer les pâtes par du riz et l'équilibre est toujours respecté.
Comme la digestion est une cuisson des aliments, il est recommandé de manger cuit et chaud, de bien mastiquer, de boire plutôt en fin de repas et chaud et de ne pas trop manger.
Pour en savoir plus : 1) Introduction --- 2) Histoire --- 3) Principes --- 4) Cuisine
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1 - Introduction
Les origines de la médecine chinoise sont légendaires et attribuées à 3 empereurs mythiques :
- Fuxi (~2852 – 2737 av. J.C.), on lui attribue la rédaction du Yi-King.
- Shennong (~2737 - 2698 av. J.C.), considéré comme le père de la phytothérapie et des remèdes. On lui attribue l'écriture du premier Bencao Jing (Traité des plantes médicinales de Shennong).
- Huang Di, l'Empereur Jaune (~2697 - 2598 av. J.C.), considéré comme le créateur de la médecine et de l'acupuncture. On lui attribue l'écriture du Nei Jing (Classique de la tradition ésotérique de l'empereur Jaune).
Si cette légende correspondait à la réalité, cela signifierait que la médecine chinoise est contemporaine de la médecine de Sumer, dont il ne reste plus que quelques tablettes en écriture cunéiforme. Elle serait également antérieure à la médecine ayurvédique.
En réalité, les premiers fragments du Nei Jing datent de l'époque d'Hippocrate, au moment où les médecins se séparent nettement des magiciens et des prêtres.
On peut constater des parentés entre la médecine hippocratique, la médecine ayurvédique et la médecine chinoise. Des liens ont existé entre médecine hippocratique et médecine ayurvédique et des liens ont existé entre médecine ayurvédique et médecine chinoise. On retrouve des remèdes ayurvédiques dans les 2 autres diététiques.
-> 2) Histoire --- 3) Principes --- 4) Cuisine
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2 - Un peu d'histoire
Au-delà de son origine légendaire, les premiers textes de médecine chinoise ont été écrits à l'époque des textes grecs de la collection hippocratique, entre 580 et 320 av. J.C. Puis le fameux Nei Jing (Classique de la tradition ésotérique de l'empereur Jaune), dont la rédaction dure plusieurs siècles, est écrit à l'époque de la dynastie des Han (3e siècle av J.C. – 3e siècle après J.C). Ce texte est le fondement théorique de la pratique médicale chinoise. Il sera ensuite commenté jusqu'au 17e siècle.
Zhang Zhongjing (158-166) est considéré comme l'Hippocrate chinois. Il est le premier à avoir nettement différencié les symptômes Yang des symptômes Yin.
Hua Tuo (110-207) est un grand chirurgien et un obstétricien. Il fait des opérations sous anesthésie générale au chanvre indien. Il aurait inventé la suture et préconisait la balnéothérapie et l'hydrothérapie.
Wang Shu He (210-280) est l'auteur du Mai Jing, (Traité des pouls). Ce livre est traduit en arabe et persan pendant le Moyen-Age. Il sera traduit en Occident jusqu'au 18e siècle.
Pendant la dynastie des Song (10e-13e siècle), de nombreux ouvrages médicaux encyclopédiques sont écrits.
Pendant la dynastie Jin/Yuan (12e-14e siècle), Zhang Cong Zheng (1150-1228) l'un des quatre grands maîtres de l'époque affirme : les recettes d'autrefois ne peuvent pas soigner complètement les maladies d'aujourd'hui . La tradition médicale chinoise s'appuie en effet sur les textes anciens, mais contrairement à la tradition médicale hippocratique occidentale, elle est moins scolastique, plus évolutive. Ce qui explique peut-être pourquoi la médecine chinoise existe encore aujourd'hui.
Un traité de diététique
Hu Sihui, médecin d'origine mongole écrit, vers 1314-1330, un traité de diététique : Yinshanzhengyao (Précis d'alimentation) qui contient des recettes avec des ingrédients aux vertus thérapeutiques. Ces recettes font encore partie de l'alimentation des peuples chinois du Nord et du Nord-Ouest (94 plats, 35 soupes, 29 recettes contre le vieillissement).
Li Shizhen (1518 - 1593) écrit le Bencao gang mu (Grand traité de matière médicale), grande encyclopédie sur la pathologie, la thérapeutique, mais aussi traité d'histoire naturelle (minéraux, animaux, végétaux) qui fera référence.
Le Bencao gang mu
(Grand traité de matière médicale)
En 1579 paraît une encyclopédie d'acupuncture, écrite par Yang Jizhou : Zhenjiu dacheng.
Au 18e et 19e siècles, plusieurs encyclopédies modifient et corrigent les textes médicaux (la médecine chinoise est une médecine évolutive).
Le 17 mars 1929, le gouvernement chinois reconnaît la médecine traditionnelle.
Des instituts d'enseignement sont créés à partir de 1955 et en 1979, l'OMS reconnaît la médecine chinoise traditionnelle.
Dans la Chine d'aujourd'hui médecine traditionnelle et médecine occidentale vivent une coexistence pacifique. Leur enseignement dans les universités est de même durée et aboutit à un diplôme différent.
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3 - Les principes de la diététique chinoise
La diététique chinoise présente des ressemblances avec la diététique hippocratique et la diététique ayurvédique : c'est une diététique préventive qui tient compte des saisons, les aliments sont classés par catégories et il est recommandé de les consommer en fonction de son tempérament, afin d'atteindre un équilibre propice à la santé. Pour ces 3 diététiques, la digestion est une cuisson des aliments dans l'estomac.
Le Yin et le Yang
Mais la médecine et la diététique chinoises présentent une spécificité qui est assez étrangère à notre culture indo-européenne : la notion de mouvement. Pour les chinois, l'équilibre n'est pas statique, mais il est le fruit d'un mouvement constant entre 2 forces opposées, complémentaires et interdépendantes : le Yin et le Yang.
De même que le jour succède à la nuit, l'action au repos, l'aspiration à l'expiration, le Yin et le Yang sont en mouvement. Quand le Yin croît, le Yang décroît, et vice versa.
Le symbole du Tao est devenu familier en Occident, mais il n'est pas sûr que les idées de Yin et de Yang aient été bien comprises par notre culture.
Pour schématiser, on pourrait dire que le Yin représente les forces de type passif, ombre, froid, profondeur, humidité, etc. Certains disent que le Yin est le principe femelle. Le Yang désigne les forces de type actif, lumière, chaud, surface, sécheresse, etc. Certains disent que le Yang est le principe mâle.
Forces | Caractéristiques |
---|---|
Yin | forces de type passif, ombre, froid, profondeur, humidité |
Yang | forces de type actif, lumière, chaud, surface, sécheresse |
Le Qi
Un autre élément important de la vision chinoise de l'univers est le Qi (qu'on prononce tchi). On peut traduire ce mot à la façon indienne par "souffle", à la façon hippocratique par "pneuma" ou à la façon moderne par "énergie" ou "force". C'est le concept qui explique la vie. C'est le Qi qui permet aux êtres vivants de croître et se multiplier, de bouger et de penser, le Qi qui explique le mouvement des astres et le vent. Le Qi, aussi invisible que l'électricité, circule dans le corps humain, au moyen d'un réseau immatériel que les Chinois ont appelé "méridiens". Sur ce réseau, on peut repérer des "points d'acupuncture". Lorsque le Qi circule bien et en quantité suffisante, on est en bonne santé, lorsque le Qi circule mal, on est malade. L'acupuncture, chargée d'améliorer la circulation du Qi est un des éléments de la médecine chinoise.
La diététique est également un élément important de la médecine chinoise et dépend de la vision du monde des Chinois.
Les 5 éléments
Dans la diététique hippocratique, l'univers était composé de 4 éléments (eau, air, terre, feu). Dans la diététique ayurvédique, l'univers est composé de 5 éléments (eau, air, terre, feu et vide). Dans la diététique chinoise l'univers est composé de 5 éléments : le Bois, le Feu, la Terre, le Métal et l'Eau. Les 5 éléments se contrôlent et s'équilibrent les uns les autres (cycle de domination), et en se succédant, se génèrent les uns les autres (cycle d'engendrement).
Les 5 éléments correspondent à des tempéraments qui évoluent en fonction des époques de la vie. C'est un mouvement perpétuel (contrairement à la vision occidentale du monde, qui est linéaire, avec un commencement et une fin).
Elément | Epoques de la vie |
---|---|
Bois | naissance, printemps |
Feu | croissance, été |
Terre | mûrissement, fin de l'été |
Métal | déclin, automne |
Eau | stagnation ou mort, hiver |
Comme dans les médecines ayurvédique et hippocratique, à chaque élément correspond un tempérament.
Elément | Tempérament |
---|---|
Bois | énergique, expansif, stimulé par le défi et l'action |
Feu | passionné, fusionnel, un certain charisme, peut être anxieux |
Terre | modéré, pacifique, jovial, serviable |
Métal | organisé, aime l'ordre, respecte l'autorité et les rituels |
Eau | introspectif, discret, besoin de sécurité, peut se sentir seul |
A partir de ces 5 éléments, on constate un jeu de correspondances et d'interactions.
Macrocosme | Bois | Feu | Terre | Métal | Eau |
---|---|---|---|---|---|
5 points cardinaux | est | sud | centre | ouest | nord |
5 saisons | printemps | été | fin d'été | automne | hiver |
5 planètes | jupiter | mars | saturne | vénus | mercure |
5 climats | vent | chaud | humide | sec | froid |
Microcosme | Bois | Feu | Terre | Métal | Eau |
---|---|---|---|---|---|
5 organes | foie | coeur | rate | poumon | rein |
5 viscères | vésicule biliaire | intestin grêle | estomac | gros intestin | vessie |
5 orifices | yeux | langue | bouche | narines | oreilles |
Aliments | Bois | Feu | Terre | Métal | Eau |
---|---|---|---|---|---|
5 saveurs | acide | amer | doux | âcre | salé |
5 couleurs | vert | rouge | jaune | blanc | noir |
5 consistances | dur | fibreux | charnu | croquant | mou |
Les Chinois consomment moins de viande, de graisses et de sucre que les Occidentaux et plus de céréales, de légumes secs, de légumes verts et de fruits. La répartition conseillée est de 40 à 60 % de céréales et de légumes secs, 20 à 30 % de légumes et de fruits et 10 à 15 % de viandes, poissons, graisses et laitages.
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4 - La cuisine selon la diététique chinoise
A partir de cette classification complexe, le médecin chinois pourra repérer les dysfonctionnements et les aliments utiles pour rétablir l'équilibre. Comme au Moyen Age en Europe, les cuisiniers et les Chinois qui baignent encore dans leur culture traditionnelle ont appris dès leur plus jeune âge la notion de chaud et de froid des aliments.
Tous savent que l'hiver est Yin et l'été Yang, qu'il est préférable de manger un produit Yang (échauffant) en hiver et de manger un produit Yin (refroidissant) en été. Un aliment au goût piquant comme l'ail ou le gingembre, un aliment au goût doux comme la carotte ou la pomme est un aliment Yang, alors qu'un aliment au goût salé comme la crevette, le crabe ou la choucroute, un produit au goût amer comme le thé, le café ou le céleri est un aliment Yin.
Manger cuit et chaud
Comme dans les diététiques hippocratique et ayurvédique, la diététique chinoise se méfie des aliments crus et les fruits doivent être consommés très mûrs (une forme de cuisson). Mais contrairement à la diététique ayurvédique, la diététique chinoise n'est pas végétarienne. Au contraire, on est surpris par la diversité des espèces animales consommées par les Chinois.
Comme la digestion est une cuisson des aliments, il est recommandé, pour faciliter cette digestion, de manger cuit et chaud, de bien mastiquer, de boire plutôt en fin de repas et chaud et de ne pas trop manger.
Une cuisine de saison
Les aliments doivent être consommés très frais, pour préserver leur énergie : c'est une cuisine de saison. Dans les restaurants en Chine, comme au Japon, on choisit souvent les poissons et crustacés vivants, pour les manger très frais. Et la couleur des aliments est un élément de l'harmonie d'un repas : les aliments sont classés en vert (salades, légumes verts), rouge (tomate, carotte, fruits rouges), jaune (céréales, pâtes, pommes de terre), blanc (riz, navet, radis) ou noir (olive, aubergine, champignon noir). Un bon cuisinier va tenir compte, pour préparer son repas, de la saison, du temps qu'il fait, de l'état de santé de ses convives, de l'harmonie entre les différents ingrédients qu'on trouve dans un plat...
En tenant compte des aliments Yin ou Yang, chauds ou froids, secs ou humides, acides, amers ou doux, etc. les cuisiniers chinois ont mis au point une cuisine très sophistiquée et très variée. La Chine étant un pays immense aux climats très différents, chaque cuisine régionale a ses recettes et ses produits spécifiques, mais qui respectent les mêmes règles diététiques.
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