Libre del coch

de Robert de Nola

Texte : Marie Josèphe Moncorgé

Témoignages de la cuisine catalane, Sent Sovi et Libre del coch sont également les livres les plus connus de cuisine médiévale en Espagne.

Le Livre du cuisinier a été écrit vers 1477 par Mestre Robert, maître queux de Ferdinand 1e, roi de Naples de 1458 à 1494. La cour de Naples était dirigée par la maison d'Aragon depuis 1442, date à laquelle Alphonse le Magnanime, père de Ferdinand 1e et roi d'Aragon depuis 1416 devint aussi roi des deux Siciles.

C'est le premier livre de cuisine imprimé en Espagne. Edité en catalan à Barcelone en 1520 : Libre de doctrina per a ben servir, de tallar, y del Art de Coch : ço es de qualsevol manera de potages y salses. Compost per lo diligent mestre Robert coch del Serenissimo senyor don Fernando Rey de Napols. Edité en castillan à Tolède en 1525 : sous le titre Libro de cocina compuesto por Ruberto de Nola... et en 1529 sous le titre Libro de guisados, manjares y potajes intitulado Libro de Cozina. Edition critique de Veronika Leimgruber, Université de Barcelone, 1982. Le livre a été réédité 17 fois entre 1520 et 1577. Il est surtout connu sous le titre de Libre del coch.

Texte complet en langue médiévale : Libro de guisados, manjares y potajes, Ruperto de Nola, édition originale de 1529.


Traduction française : Le livre de cuisine, Roberto de Nola, édition critique de Nathalie Peyrebonne, Classiques Garnier, 2011. Cette universitaire, après une courte introduction, traduit en français l'édition castillane de 1529 (l'édition la plus complète). La deuxième partie du livre est un fac-similé de cette édition en espagnol.

Libre del coch de Robert de Nola, Biblioteca de Catalunya, Barcelona

Libre del coch
Biblioteca de Catalunya, Barcelona

Le livre pour savoir bien servir, découper et l'art du cuisinier : c'est à dire toutes les façons de faire des potages et des sauces, appelé plus simplement Le livre du cuisinier, présente, dans sa version catalane, un titre qui donne pratiquement le plan du livre :

Le Libro de guisados (texte castillan de 1529) propose 40 recettes supplémentaires. Il est divisé en 4 chapitres :

Robert de Nola est le cuisinier symbole des échanges interculturels propres à cette période de la fin du Moyen Age : vivant en Italie du sud, alors sous domination aragonaise, il a manifestement été influencé à la fois par la cuisine catalane du Sent Sovi et par les recettes italiennes de Maestro Martino.

On sait peu de choses de ce cuisinier : il écrit en catalan, mais est-ce un catalan ou un italien parlant le catalan parce qu'il vit à la cour du roi catalan ? Il est présenté comme Mestre Robert dans l'édition catalane, avec 203 recettes et devient Rupert de Nola dans l'édition en castillan, avec 236 recettes en 1525 et 243 recettes en 1529. Nola est une ville à l'est de Naples. Est-ce la ville de naissance de Robert ou une invention pour l'édition en castillan ?

Platine a dit : Les cuisiniers catalans sont les meilleurs du monde. Pensait-il à Robert de Nola ?

Dionisio Pérez (cité par Nathalie Peyrebonne) se demande si Robert de Nola est un cuisinier réel ou une supercherie éditoriale, pour un livre de cuisine méditerranéen, dans lequel se mêlent des recettes d'Aragon, de Catalogne, de Valence, de Provence et d'Italie.

Recette en catalan : Libre del coch, 1520
Bon escabelx
Pendras vna molla de pa torrat: e remullada ab vinagre blanch: e apres pren ametles que sien belles: e blanques: e auellanes torrades: e pinyons: e picaras ho tot ensemps fins a tant que sia molt ben picat: e quant sia picat destemprar ho has ab brou de peix: e apres pendras vnes poques de panses e mundar les has del gra: e pica les: e passa les altres coses: e apres met ho a bullir e met hi en la olla de totes salses fines e çaffra: per que aquesta salsa vol esser molt alta de color e dolça de sabor e negra: empero la dolçor vol esseer de mel: e quant fa ben espes leuau del foch: e apres pren lo peix gentilment e que sia fret e met lo en vn plat: e apres lança li lo escabeix damunt empero aquesta salsa se vol menjar ab pagell o ab dentol abans que ab altre peix: e com lo couras lançay lo escabeix: e quant sera fret metras hi damunt vna quantitat de canyella picada: e apres fica li de pontes vns quants pinyons entorn del plat e joliuert capolat. E aquesta salsa se dona comunament freda empero calda no es mala.

Recette en espagnol : Libro de guisados, 1529, Capitolo IV
Buen escabeche
Tomar un migajón de pan remojado con vinagre blanco, y tomar almendras blancas y avellanas tostadas y piñones; y majarlo todo junto hasta que esté muy bien majado, y desque sea majado desatarlo con caldo de pescado; y después pasarlo por estameña; y después tomar unas pocas de pasas quietados los granillos; y majarlas bien con las otras cosas, y ponerlo a cocer, y poner en la olla de todas salsas finas y azafrán; porque esta salsa quiere ser muy alta de color; y dulce de sabor y negra; empero el dulzor quiere ser de miel, y desque sea bien espeso quitarlo del fuego; y después tomar el pescado desque esté frío, y ponlo en un plato; y echarle el escabeche encima. Empero esta salsa se quiere comer con pajel o con dentol antes que con otro pescado; y cuando lo cuezgas echarle el escabeche, y desque sea frío ponerle encima una poca de canela molida; y después hincarle de punta algunos piñones al derredor del plato y perejil deshojado. Y esta salsa se da comúnmente fría, pero caliente no es mala.

Bonne escabèche
Prends un morceau de mie de pain trempé dans du vinaigre blanc, des amandes blanchies, des noisettes grillées et des pignons. Ecrase le tout soigneusement puis détends avec du bouillon de poisson. Passe à l'étamine. Prends ensuite quelques raisins secs dont tu auras ôté les pépins et broie-les avec le reste. Mets le tout à cuire et ajoute dans la marmite des épices fines, sans oublier le safran car cette sauce doit être haute en couleur. Elle doit aussi être sucrée, au goût de miel, et foncée. Dès qu'elle a bien épaissi, ôte-la du feu. Par ailleurs, prends le poisson refroidi, mets-le dans un plat et verse la sauce escabèche dessus. Cette sauce doit être dégustée avec du denti ou du pageot plutôt qu'avec un autre poisson : lorsque tu les cuisines, ajoute-leur de l'escabèche. Une fois refroidi, saupoudre le poisson d'un peu de cannelle moulue et plante autour dans le plat quelques pignons ainsi que quelques feuilles de persil. Cette sauce se sert généralement froide mais elle n'est pas mauvaise chaude.
Traduction Nathalie Peyrebonne, Classiques Garnier, 2011.

Pour en savoir plus : l'histoire de l'escabèche, d'origine arabe

Gallina armada - Poule en armure
Fais rôtir une belle poule et, près de la mi-cuisson, frotte-la avec du lard. Bats ensuite soigneusement des jaunes d'œufs et, avec une cuillère ou l'extrémité d'une louche en bois, enduis lentement la poule de ces jaunes d'œufs. Puis saupoudre les œufs de farine de blé bien tamisée et de sel moulu, tout en faisant tourner continuellement et rapidement la poule. La croûte ainsi formée serait meilleure encore que la poule.
Traduction Nathalie Peyrebonne, Classiques Garnier, 2011

Nota bene Old cook : la poule est rôtie à la broche au Moyen Age.

Bones sardines en cassola - Sardinas en cazuela - Poêlon de sardines
Il te faut des sardines fraîches les plus grosses possible. Lave-les dans plusieurs eaux. Prépare ensuite du poivre, un peu de gingembre, du safran, le tout moulu, puis des raisins secs, des amandes, des pignons, de bonnes herbes, à savoir du persil et de la menthe. Mets ensuite, ensemble, les sardines, les épices, avec les herbes, les amandes, les raisins secs et les pignons dans le poêlon avec une bonne quantité d'huile, et mets à chauffer sur les braises, ou dans le four. Les sardines sont toutefois meilleures cuites sur les braises, car dans le four elles cuisent sur le dessus et le dessous, partout, alors que les sardines préparées comme présenté ici n'aiment pas cette chaleur du four, elles préfèrent les braises, et des braises douces afin de pouvoir cuire tout doucement. Si tu désires les manger autrement, frites par exemple, il leur faut du poivre avec un peu de vinaigre ou un jus d'orange. Si tu désires les manger rôties, il leur faut du jus d'orange, de l'huile, du sel, un peu d'eau et de poivre et toutes sortes d'herbes mais pas de moraduj, appelée aussi marjolaine ou malgilana.
Traduction Nathalie Peyrebonne, Classiques Garnier, 2011

Nota bene Old cook : la cuisson sur la braise est l'unique façon, au Moyen Age, de faire cuire doucement un plat, avant l'arrivée du potager, puis du fourneau et enfin de la cuisinière à gaz ou électrique. Le jus d'orange est un jus d'orange amère : les oranges douces sont encore inconnues à cette époque.


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