Livres de cuisine médiévale

en arabe

Texte : Marie Josèphe Moncorgé

Les livres de cuisine écrits en arabe au Moyen Age sont généralement oubliés des médiévistes. Les textes de ces manuscrits sont peu accessibles aux francophones car traduits seulement en anglais ou en espagnol. Entre le 10e et le 13e siècle, à une époque où les livres de cuisine de l'Europe chrétienne ne sont pas encore sortis (les premiers manuscrits datent de la fin du 13e siècle), une dizaine de livres de cuisine arabe ont été écrits à Bagdad, Alep, en Egypte ou dans al-Andalus.

Livres de cuisine en arabe

Contrairement aux livres de l'Europe chrétienne, aucun de ces livres n'a été écrit par des cuisiniers. Les auteurs, connus ou inconnus, sont des lettrés, des copistes (comme al-Warrâq dont le nom signifie copiste en arabe), voire des parents proches des califes ou vizirs au pouvoir. Tous ces livres sont en partie des compilations de recettes de l'époque du calife Haroun al-Rashid : les auteurs se réfèrent souvent à Abou Ishaq Ibrâhîm ibn al-Mahdî, demi-frère cadet du calife des 1001 nuits, ainsi qu'à d'autres auteurs culinaires du 9e siècle, médecins, poètes, courtisans ou même califes. Il ne reste que quelques fragments de ces auteurs d'origine. David Waines estime, dans La cuisine des califes, que le Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq, premier livre complet de cuisine du 10e siècle, a compilé une petite centaine de ces recettes d'origine. On les repère souvent à leur titre, qui cite le nom de l'auteur à l'origine de la recette.

Rappelons que le même phénomène existe dans les livres de cuisine médiévale d'Occident, où l'on retrouve des recettes communes qui ont circulé de livre en livre, chaque cuisinier y ajoutant ses propres recettes. Le copyright est une invention récente, qui n'existe pas en cuisine. Par exemple, le Viandier de Taillevent, contient une partie des recettes qui proviennent du Manuscrit de Sion, antérieur à Taillevent, et l'édition imprimée du 15e siècle, contient des recettes postérieures à Taillevent.

Nous retrouvons donc, dans chaque livre de cuisine arabe, de nombreuses recettes communes ou très voisines, avec ajout de recettes spécifiques à chaque livre, correspondant à l'époque ou au lieu de rédaction du manuscrit.

Les livres de recettes sont en général mieux rédigés que les livres de cuisine occidentaux (par exemple le Viandier de Taillevent ou le Forme of cury) et comportent généralement une introduction, avec des indications diététiques. Par exemple le Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq explique la théorie des humeurs. Les proportions d'ingrédients sont souvent indiquées. Certaines recettes comportent des commentaires diététiques ou des indications géographiques d'origine.

La palette d'épices est en général un peu différente de celle les livres de cuisine occidentaux (cannelle, clou de girofle, muscade, macis, safran, poivre, gingembre, galanga, mais aussi mastic, nard, camphre, ambre gris, eau de rose), et les herbes aromatiques sont davantage utilisées (coriande, carvi, cumin, menthe, persil, aneth, sésame, rue).

Les viandes sont en général cuites avec des légumes (l'aubergine est la reine des légumes), souvent mises en boulettes ou très cuites, voire avec des sauces épaissies par du riz ou des pâtes. La matière grasse est généralement la queue grasse des moutons (issue d'une variété de moutons du Proche Orient), éventuellement l'huile d'olive ou de sésame. Les sauces sont acidulées avec vinaigre, verjus ou jus de citron, de bigarade ou de grenade et sucrées avec miel ou sucre et fruits (dates, prunes, figues, raisins). Certains légumes sont transformés en pickles. Fruits secs (amandes, noix, noisettes, pistaches), yaourt, fromage sont souvent présents dans les plats avec les épices. Le murrî est un condiment très fréquent (soit de la saumure de poisson, voisine du garum antique, dont l'équivalent actuel est le nuoc mam asiatique, soit de la saumure de céréales, dont l'équivalent actuel est la sauce soja).

Contrairement aux livres occidentaux de cuisine médiévale, les recettes de desserts, confiseries, sirops, sont très présents dans les livres arabes.

Ces livres de cuisine arabe sont le symbole de la richesse culturelle de la vie de cour de l'époque des califes abbassides de Bagdad (8e-10e siècle) et de sa diffusion dans le Proche Orient et dans al-Andalus. Les dirigeants arabes abbasides sont supplantés par les Turcs seldjoukides dès la fin du 11e siècle, mais la culture culinaire arabe se maintient. Les Mamelouks de Syrie et d'Egypte vont perpétuer cet héritage jusqu'à l'arrivée des Ottomans (1517), puisqu'un livre de cuisine d'Alep reprend encore de nombreuses recettes de Bagdad au 15e siècle. L'empire ottoman va également s'inspirer de la gastronomie arabe, puisque plusieurs livres arabes sont conservé à Istanbul.

Cet héritage culinaire se retrouve-t-il jusqu'en Inde dans la cuisine de l'empire moghol (1526-1858) ? Une piste à étudier. Il n'y aurait rien d'étonnant puisque les Moghols sont des turco-mongols de culture persane. Et la culture culinaire perse a directement influencé la gastronomie de Bagdad. En effet, certaines recettes, qui se diffusent dans tout le monde arabe, ont un nom d'origine persane : sikbâj (qui donne ensuite escabèche), zirbâj, faludâj, nârbâja, râshtâ, etc.

Il serait intéressant d'étudier, si les sources le permettent, l'origine de ces recettes perses : l'empire sassanide de Khosrô (ou Chosroès) et de ses successeurs avant l'islamisation de la Perse ou le goût pour la grande cuisine est-il antérieur ? Le développement de la gastronomie en Perse est-il à mettre en lien avec les recherches médicales et diététiques de l'Académie de Gundishapur, héritière de la médecine hippocratique ? Vaste sujet d'études à venir.

Une partie de cet héritage culinaire est arrivé jusque chez nous, via al-Andalus.

Plusieurs livres de diététique arabe : Livres de diététique médiévale arabe.


La Méditerranée à table, une longue histoire commune

TAMBAO : La Méditerranée à table - Marie Josèphe Moncorgé

Tome 1 : La cuisine de la Méditerranée, plus d'infos.

Tome 2 : Fromages, desserts et boissons, lus d'infos.

Au delà des spécificités, il existe des parentés entre les cuisines des pays de la Méditerranée. Tout comme la pâte feuilletée imaginée par les cuisiniers d’Al-Andalus, en plongeant dans les couches successives du feuilletage, on découvre, à travers son histoire culinaire, toute l’histoire du bassin méditerranéen.



Kitâb al-Tabîkh (al-Mahdî)

Premier Livre de cuisine en arabe, écrit à Bagdad au 8e siècle par Abou Ishaq Ibrâhîm ibn al-Mahdî.

C'est le demi-frère cadet du calife des 1001 nuits. Lettré, poète et gourmet, il avait une cuisinière, Badi'a, réputée pour ses talents de cuisinière. Il ne reste que des fragments de ce livre : une quarantaine de recettes. Ce Livre de cuisine est surtout connu indirectement, par les livres de cuisine suivants qui s'y réfèrent et citent certaines de ses recettes

Aruzziyya par Ibrâhîm ibn al-Mahdî
Prenez des morceaux de croupe maigre [rumsteck} maigre et des morceaux de graisse de queue de mouton. Coupez-les en tranches minces et fumer jusqu'à ce que la viande ait une coloration brune.
Faites chauffer un peu d'huile d'olive dans un pot et faire frire les tranches de viande jusqu'à cuisson complète. Saupoudrez-les d'un peu de sel mais éviter d'utiliser du murrî de peur qu'il décolore le plat.

Prenez un grand pot, remplissez-le à moitié avec du lait et portez à ébullition. Ajoutez galangal et cannelle, un bâton chacun. Ajoutez du sel si nécessaire. Maintenant prenez du riz, lavez-le très bien et ajoutez-le au lait. Quand il est cuit et que le plat a épaissi, ajoutez les tranches de viande avec l'huile de friture.
Remuez très bien le riz et servez-le, si Dieu le veut.

Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq, ch 51.

Kitâb al-Tabîkh : livre de cuisine

Kitâb al-Tabîkh : livre de cuisine.
Texte écrit par Kader Touati

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Kitâb al-Tabîkh (Al-Warrâq)

Recueil de recettes compilées à Bagdad à la fin du 10e siècle par Abu Muhammad al-Muzaffar ibn Nasr ibn Sayyâr al-Warrâq. Warrâq signifie copiste en arabe : le livre est une compilation de recettes du 8e au 10e siècle, dont celles du premier Livre de cuisine en arabe, écrit à Bagdad à la fin du 8e siècle par Abou Ishaq Ibrâhîm ibn al-Mahdî, le demi-frère cadet du calife des Mille et une nuits, Haroun al-Rashid. Le Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq est le premier livre de cuisine arabe qui soit parvenu jusqu'à nous en entier.

Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq, manuscrit d'Helsinki

Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq, manuscrit d'Helsinki
National Library of Finland, signum Coll.504.14 (Arb rf)

Texte traduit en anglais par Nawal Nasrallah, Annals of the Caliphs' kitchens, Brill, 2007.

David Friedman : Une partie du texte en arabe.

Ce livre est à la fois livre de cuisine, de diététique, de cosmétique et manuel de politesse à table. Le Ménagier de Paris, vers 1393, donne quelques recettes d’hygiène en fin de son livre de recettes. A la fin du 15e siècle, paraît La pratique de faire toutes confitures (imprimé au 16e siècle) qui est un manuel pour le service d'office. Il regroupe tout ce qu’un bon serviteur doit savoir pour servir les convives d’un banquet : recettes de confiture, de boissons, de vinaigres, d’eaux distillées, de savons, de parfums et de moutardes. Au 10e siècle, soit plusieurs siècles avant ces livres français, le Kitâb al-Tabîkh d’Al-Warrâq propose une anthologie de l’art culinaire abbasside : livre de diététique, livre de cuisine, livre de cosmétique et de service de table. Il comprend 132 chapitres de longueur très variable (certains chapitres n’ont qu’une recette, d’autres une vingtaine) pour 615 recettes. Al-Warrâq n’est pas seulement un copiste de recettes, il propose de nombreuses anecdotes, des poèmes ou des citations littéraires pour illustrer son propos dans certains chapitres. Il cite certaines de ses sources. Une trentaine de noms sont cités, auteurs de livres de cuisine ou de diététique, auteurs de recettes, en majorité des personnes des 8e et 9e siècles.

Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq, extrait du manuscrit d'Helsinki

Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq, extrait du manuscrit d'Helsinki
National Library of Finland, signum Coll.504.14 (Arb rf)

Introduction à la cuisine et à la diététique

Les chapitres 1 à 5 sont une introduction à la cuisine, avec des indications précises sur les ustensiles, les épices et aromates, les saveurs. Les chapitres 6 à 30 pourraient être intégrés dans un livre de diététique : ils traitent de la théorie hippocratique des humeurs et de la valeur des aliments dans cette diététique.

Plus de 420 recettes en 73 chapitres

Du chapitre 31 au chapitre 104, sont présentées les nombreuses recettes du livre, classées dans l’ordre suivant :

On remarquera la quasi absence de recettes de poissons, le petit nombre de recettes de légumes par rapport aux recettes de viande et l’importance des recettes de desserts.

Des recettes diététiques

Les chapitres 105 à 116 proposent des recettes « diététiques » pour soigner certaines maladies.

Des recettes de boissons

Des recettes de cosmétique et d’hygiène

Innovation en cuisine

Nous trouvons dans ce livre de cuisine plusieurs recettes qui semblent être à l’origine de plats qui ont connu ensuite un développement important dans le monde méditerranéen :

On découvre avec étonnement les premières recettes de café (bunk). Mais le café n’est pas ici une boisson, mais un grain parfumé, employé pour créer un parfum !

Une curiosité dans la cuisine arabe : les chapitres 119 et 120 sur l’art de faire du vin de date, de raisin ou l’hydromel ! La fermentation alcoolique est condamnée en Islam, mais le vin est recommandé par les médecins. Ce livre de cuisine, avec ses préoccupations diététiques, tranche en faveur de la médecine !

L’héritage du Kitâb al-Tabîkh d’Al-Warrâq

Un manuscrit du Kitâb al-Tabîkh d’Al-Warrâq figure dans la bibliothèque de Topkapi à Istanbul. On retrouvera un certain nombre de recettes du Kitâb al-Tabîkh d’Al-Warrâq dans plusieurs livres arabes postérieurs : au 13e siècle, le Baghdâd cookery book, l’Anonyme Andalou et le Fudalat al-khiwan, au 14e - 15e siècle, le Kanz al-Fawā’id (Egypte). L’influence du Kitâb al-Tabîkh d’Al-Warrâq dépasse les frontières du monde arabe. Selon Nawal Nasrallah, on retrouve des recettes abbassides jusqu’en Inde à la fin du 15e siècle. Les livres de cuisine de la famille du Liber de Coquina reprennent en Italie médiévale plusieurs de ses recettes : limonia, rumania, sumachia. La mawmenee du Forme of Cury est également un héritage du livre d’al-Warrāq. La cuisine arabe actuelle est toujours influencée par les recettes abbassides.

Pour faire jājaq
Prendre un récipient en cuir propre (ziqq) et sentez-le. Versez le yogourt et ajoutez le sel. L'extérieur du ziqq doit aussi être salé. Mélanger yogourt, oignon haché, gousses d'ail épluchées, persil haché délicatement, menthe na'na', estragon, rue, khiyar (concombres petits et lisses) et qiththa' (long concombre à côtes), tiges de laitue pelées, et - en saison - de l’artichaut (harshaf). Prendre aussi des amandes fraîches et tendres (vertes).

Il est préférable d’ajouter une quantité convenable de menthe na'na', rue, persil, oignon et ail. En plus, vous devez garder [le récipient en cuir] propre tout le temps [pour permettre aux liquides de s'écouler]. Quand c'est prêt à manger, servez-le avec l'huile d’olive.

S’agit-il de la première recette de concombre au yaourt ?

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Kitâb al-Tabîkh (al-Baghdâdî)

Plus connu sous le titre A Baghdad Cookery Book, ce texte a été écrit à Bagdad en 1226 par Muhammad ibn al-Hasan ibn Muhammad ibn al-Karîm al-Kâtib al-Baghdâdî. On en sait pas grand chose sur l'auteur de ce livre de cuisine. Comme son nom l'indique, il serait de Bagdad où il aurait été scribe. Il aurait écrit son livre en 1226 et serait mort en 1239.

Le livre de cuisine d'al-Baghdâdî est une compilation de recettes de la grande cuisine abbasside des 8e-10e siècles : recettes d'Ibrâhîm ibn al-Mahdî ou d'al-Warrâq, sélectionnées par al-Baghdâdî en fonction de ses goûts, comme il l'annonce dans son introduction.

Le livre a eu beaucoup de succès : on le retrouve jusqu'en Turquie et en Egypte. Il est intéressant de constater que le Baghdad Cookery Book fait l'apologie de la gastronomie abbasside au moment où cette dynastie est en voie de disparition : le pouvoir des califes s'est affaibli au point de devenir inexistant depuis l'arrivée des Turcs Seldjoukides en 1055 et le dernier calife abbasside est exécuté par les Mongols qui ont envahi Bagdad en 1258.

Mais la culture culinaire abbasside a survécu à la disparition des califes. Elle a même réussi à séduire les guerriers nomades d'Asie centrale qui se nourrissaient de yaourt et de riz : d'abord les Seldjoukides puis les Oghouzes ou Turcomans qui ont fondé l'empire ottoman. La grande cuisine ottomane est en partie héritière de la cuisine abbasside décrite dans le Baghdad Cookery Book.

Plusieurs manuscrits sont conservés à Istanbul, en Turquie, dans les bibliothèques de Süleymaniye, du musée de Sainte Sophie et du palais Topkapi. Le texte a été traduit en turc au 15e siècle par Mehmed bin Mahmoud Chirvânî (de Chirvân, une ville d'Azerbaïdjan). Chirvanî a ajouté, en fin de traduction, 82 recettes turques du 15e siècle.

Le Kitâb Wasf al-At'ima al-Mu'tâda, écrit en Egypte au 14e siècle, reprend les 160 recettes du Baghdad Cookery Book (420 recettes au total).

Le livre de cuisine d'al-Baghdâdî contient 160 recettes précédées d'une courte introduction. Ces recettes sont classées en 10 chapitres :

Hummâdîya : Cut fat meat into middling pieces, and leave in the saucepan with a covering of water and a little salt. Boil, then throw in the stout cotton bag containing the seasonings, namely, dry coriander, ginger, pepper and cloves ground fine : add also a few pieces of cinnamon. Now mince red meat with seasonings, and make into cabobs : when the saucepan is boiling, throw in the cabobs, and as soon as these are cooked, remove the bag of seasonings. Now take the pulp of large citrons, seeded, and squeeze well in the hand, add about a quarter as much of grape-juice, and pour into the saucepan on top of the meat. Boil for an hour. Take sweet almonds, peel, chop up fine, soak in water, and add to the saucepan. Sweeten with sugar, or with syrup if preferred. Leave the saucepan over the fire to settle. Sprinkle with rose-water, wipe the sides with a clean rag, and remove.

Hummâdîya (vient de hummâd: pulpe de citron) : Couper de la viande grasse en morceaux de taille moyenne, et la mettre dans une casserole en couvrant d'eau et avec un peu de sel. Porter à ébullition, puis jeter dedans le sac de coton solide contenant les assaisonnements, à savoir coriandre sèche, gingembre, poivre et clou de girofle en poudre : ajouter aussi quelques morceaux de cannelle. Maintenant hacher de la viande rouge avec des assaisonnements et la mettre en boulettes : quand la casserolle bout, verser les boulettes dedans et dès qu'elles sont cuites, enlever le sac d'assaisonnements. Maintenant prendre la pulpe de gros citrons, enlever les pépins et bien presser à la main, ajouter environ un quart (?) de jus de raisin, et verser dans la casserole par-dessus la viande. Faire bouillir une heure. Prendre des amandes douces, peler, hacher fin, tremper dans l'eau et ajouter dans la casserole. Adoucir avec du sucre, ou du sirop si vous préférez. Laisser la casserole sur le feu pour clarifier. Saupoudrer d'eau de rose, essuyer les côtés avec un chiffon propre et enlever.

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Kitâb al-wusla ilâ l-habîb fi wasf al-tayyabât wa l-tîb

Ce livre est appelé généralement al Wusla.

Le livre du lien avec l’ami ou description des bons plats et des parfums est un livre de recettes, rédigé à Alep au 13e siècle, à l’époque ayyoubide. Les Ayyoubides sont une dynastie d’origine kurde (1169-1260), dont le plus célèbre représentant est Saladin. Ils ont conquis les états latins d’Orient, la Syrie puis l’Egypte, jusqu’au Yémen, avant d’être chassés par les Mongols au nord et les Mamelouks au sud.

Le texte d’origine semble avoir été remanié par un auteur inconnu. On l’attribue généralement à Ibn al-Adîm (1192-1260), petit neveu de Saladin, poète, calligraphe, historien et vizir des ayyoubides. Mais il reste une dizaine de manuscrits, conservés au Proche Orient : le Caire, Damas, Alep, Bursa (Turquie), Mossoul, ainsi qu’à Berlin, Londres et en Inde (Bankipore). Et certains manuscrits indiquent d’autres auteurs : un historien d’Alep Kamâl ad-dîn Ibn al’Adîm ou un poète égyptien Ibn al-Jazzâr. Dans tous les cas, il s’agit d’une personne bien introduite à la cour des ayyoubides.

Les recettes présentées dans al Wusla sont très cosmopolites : cuisine d’Alep et de Bagdad (certaines recettes sont voisines de celles du Bagdad cookery book), mais de nombreuses recettes font référence à leur origine : plats arméniens, grecs, kurdes, turcomans, égyptiens, yéménites, indiens (riz) ou du Maghreb (couscous). Une recette fait référence aux croisés : un plat de viande à la franque ou shiwâ ifranjî.

Ce texte arabe a été édité à Alep en 1986-87. Charles Perry en a publié une édition bilingue arabe/anglais en mai 2017 (New York University Press) sous le titre Scents and flavors, a syrian cookbook.

L'auteur d'al Wusla nous indique, dans l'introduction de son livre de cuisine, qu'il a compilé des recettes déjà existantes, mais qu'il les a toutes testées et goûtées. Effectivement, le al Wusla comporte des recettes communes à d'autres livres de cuisine arabe, dont l'égyptien Kanz.

Al Wusla va au-delà d’un simple livre de recettes de cuisine : il propose des recettes qu’on trouve habituellement pour le service d’office, c'est-à-dire des recettes qui concernent, de près ou de loin, ce qu’il faut savoir pour servir convenablement les convives d’un banquet : le chapitre 1 concerne les parfums, le chapitre 9 les savons et le chapitre 10 les eaux de senteur. En France, au 16e siècle, ont été publié à Lyon deux livres de ce type : La pratique pour faire toutes confitures, condiments, distillations d’eaux odoriférantes & plusieurs autres recettes très utiles (1558) et Excellent et moult utile opuscule écrit par Nostradamus et publié en 1555. L’opuscule de Nostradamus comporte 2 parties : Le vrai et parfait embellissement de la face, qui donne des recettes de parfums, de savons, de fards et d’onguents divers, suivi d’un livre de confitures : La façon & manière de faire toutes confitures.

A noter :

Le livre commence par une introduction et propose 10 chapitres :

Soit, au total, 560 recettes dont 482 recettes alimentaires (boissons, plats).

Certaines recettes ont été traduites en français :

Par exemple Florence Ollivry (Les Secrets d’Alep, Actes Sud, 2006) fait remarquer la profusion des pistaches dans les recettes et 5 recettes de viande à la rhubarbe, typiques de la cuisine d’Alep. Elle indique la présence de recettes de kubab, un mélange de viande pilée en boulettes et de légumes qui lui fait penser aux recettes actuelles de kebbé. Elle traduit en français une recette de coing au sirop, de conserves de roses et de pain au tannour.

Lilia Zaouali (La grande cuisine arabe du Moyen Age, Officina libraria, 2010) propose plus d’une vingtaine de recettes : Nâranj (poulet à l’orange), Zirbâj aux coings, basaliyya aux oignons, mawz (viande aux bananes), rutabiyya (viande aux dattes), plusieurs recettes d’aubergines, une recette de mulûkhiyya et une recette de viande séchée à l’égyptienne, une viande rôtie à la franque (écho des Croisades, mais qui est en fait ce que nous appellerions maintenant un méchoui !), plusieurs recettes de mouton rôti, qamhiyya (bouillie de blé entier), sha’îriyya (des pâtes en forme de grain d’orge), une recette de couscous al-maghribî (couscous à la viande, aux boulettes et aux poulets), plusieurs recettes de riz dont les grains ne doivent pas coller une fois cuit, labaniyya rumiyya (recette byzantine de viande aux blettes et au riz au lait) et une recette de semoule torréfiée et sucrée.

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Kanz al-Fawa’id fi tanwi al-mawa’id

Ce livre est appelé généralement Kanz.

Le trésor de conseils utiles pour la composition d'une table variée est probablement une compilation de recettes du 13e ou 14e siècle, écrit en Egypte pendant la période mamelouk.

Ce texte a été édité en arabe à Beyrouth et Stuttgart en 1993.

Texte arabe du KANZ AL-FAWA’ID FI TANWI’ AL-MAWA’ID, كنز الفوائد في تنويع الموائ

Il a été traduit en anglais en 2017, par Nawal Nasrallah, qui avait déjà traduit le livre d'al Warraq. Il est paru aux éditions Brill sous le titre : Treasure Trove of Benefits and Variety at the Table: A Fourteenth-Century Egyptian Cookbook.

Le Kanz contient 830 recettes de cuisine, de desserts, mais aussi de boissons et de produits cosmétiques, en provenance de différentes régions du Moyen Orient et classées en 23 chapitres :

Lilia Zaouali (La grande cuisine arabe du Moyen Age, Officina libraria, 2010) propose plus d’une vingtaine de recettes :

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Kitâb al-Tabîkh

Kitâb al-Tabîkh fi'l-Maghrib wa'l-Andalus fi'asr al-Muwahhidin ou Anonyme Andalou.



Fudalat al-Khiwan

Fudalat al-Khiwan d'ibn Razin Tujibi.

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Kitâb Wasf al-At'ima al-Mu'tâda

La description des nourritures familières est une compilation de recettes de l'Egypte mamelouke du 14e siècle, écrite par un auteur inconnu.

Il existe actuellement 2 manuscrits conservés au palais de Topkapi à Istanbul. L'un d'eux se termine par un colophon (la note en fin de manuscrit) indiquant une date : 30/11/1373 et un lieu : Le Caire.

Texte traduit en anglais par Charles Perry, incorporé dans Medieval Arab Cookery, Prospect Books, 2006.

Ce livre renferme 420 recettes, 160 recettes sont communes avec le Bagdad Cookery Book de Baghdadi et 3 recettes de boissons sont communes avec le al-Wusla. Le Kitâb Wasf comporte des chapitres nouveaux par rapport aux livres de cuisine présentés dans cette page : des recettes de boissons digestives (oxymel, sorte de bière, sirops), des recettes de plats végétariens et 3 chapitres de plats sucrés (halva, lauzinaj, fâlûdaj, nougat noir...).

Le Kitâb Wasf propose seulement 35 recettes avec un nom persan, dont un tiers dans le chapitre 2, soit beaucoup moins que dans le Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq : les limites de l'empire ottoman se sont déplacées, la Perse n'est plus le modèle culinaire dominant au 14e siècle, comme il l'était à l'époque des califes abbasides de Bagdad. Certaines recettes ont des noms en référence à l'ourdou (Pakistan et nord de l'Inde) ou à l'Asie centrale, ainsi qu'à Byzance.

Les saveurs de la cuisine du Kitâb Wasf sont, malgré tout, proches des saveurs des livres de cuisine arabe de Bagdad aux siècles précédents. Cependant, il s'ouvre à des recettes végétariennes pour malades, pour moines et chrétiens en temps de Carême (recettes de légumes : lentilles, aubergines, épinards, harissa). En effet, les chrétiens coptes sont majoritaires en Egypte jusqu'au 14e siècle et beaucoup de médecins sont encore chrétiens, prescrivant ces recettes de légumes à leurs malades.

On peut remarquer la présence de plats ordinaires (sawadhij) au riz, aux pâtes (itriya) ou aux lentilles, une séparation entre ragoûts sucrés, aigres ou épicés (hawamid). La viande n'est jamais grillée, mais toujours cuite au four ou en ragout avec légumes, riz ou pâtes (itriya ou reshtâ), souvent présentée en boulettes. Les recettes de poisson sont majoritairement réalisées avec du poisson séché ou salé.

Condiments : Certaines recettes utilisent du murrî (saumure de poisson ou de céréales déjà présente dans les livres de cuisine antérieurs), malheureusement traduit en "sauce soja" par Charles Perry. D'autres contiennent du yaourt au lait de brebis salé et fermenté (kâmakh rîjâl ou rîjâr), proche du smen maghrébin ou du mish égyptien (un fromage actuel maturé en saumure, à texture onctueuse, odeur et saveur forte, fabriqué avec du lait de vache ou de buflonne). Le verjus est également utilisé, ainsi que le vinaigre. L'aigre doux est créé par l'ajout de fruits (raisins secs, abricots) ou de sucre. Certains plats sont aspergés d'eau de rose en fin de cuisson.

La liste des épices indiquées dans l'introduction est : coriande, carvi, cumin, cannelle (de Chine ou de Ceylan), mastic, poivre et gingembre. Cette liste est incomplète par rapport aux épices utilisées. Il faut y ajouter le safran, le galanga. On utilise davantage de variétés d'épices en Europe à la même époque.

Curiosités

Plan du livre

Le livre se termine par un appendice (Ziyadat) qui propose une autre série de recettes sucrées, tirées du chapitre 7 du Kitâb al-wusla, voisines des confiseries et pâtisseries des chapitres 10 et 11.

Douceur de crêpes
Crêpes, 4 livres; sirop, 4 livres; miel d'abeille, 2 livres; huile de sésame, 2 livres; safran, 1/2 dirham; sucre et eau de rose comme vous voulez. Laisser fondre le mélange [tremper les crêpes] et [les] retirer. Pistaches, 1/2 livre à éparpiller dessus.
Chapitre 11

Pour avoir des navets savoureux
Faire bouillir les navets, puis les égoutter et les refroidir. Puis prendre suffisamment de bonne huile, puis les rouler dedans, puis jeter du cumin et suffisamment de fromage râpé syrien. Ajouter un peu de moutarde.
Chapitre 13


Kitâb al-tibâkha

Ce Livre de cuisine est un manuscrit du 15e siècle, originaire de Damas. Son auteur pourrait être l'écrivain Jamâl al-Dîn Yûsuf ibn Hassan ibn 'Abd al-Hâdî connu sous le nom de Ibn al-Mabrad (ou Mubarrad), selon le bibliophile Habib Zayyât qui a retrouvé et publié le manuscrit en 1937.

Texte traduit en anglais par Charles Perry, incorporé dans Medieval Arab Cookery, Prospect Books, 2006.

Il s'agit d'un texte court avec seulement 44 recettes. Mais ces recettes sont un témoignage capital car elles sont les seules recettes arabes conservées entre le 15e siècle et le début du 19e siècle. Ces recettes sont à la fois différentes des recettes de la cuisine arabe moderne et des recettes des livres de cuisine des 10e et 13e siècles, bien que certaines d'entre elles aient une parenté avec des recettes anciennes.

Ce livre de cuisine serait peut-être un intermédiaire entre la cuisine arabe classique et la cuisine arabe influencé, dans les siècles qui suivent, par la cuisine ottomane. Le traditionnel plat de kebbé (boulette de viande hachée et boulgour), base de la cuisine syro-libanaise actuelle, est absent. La kebbé est réputée venir d'Alep : il s'agit probablement d'une invention culinaire postérieure, qui, comme le boulgour, ne se développe qu'à partir de la période ottomane.

Selon Habib Zayyât, le Kitâb al-tibâkha correspond à une période où la Syrie est opprimée et surtaxée par les mamelouks. Le 15e siècle en Syrie n'est pas une période prospère et le Kitâb al-tibâkha correspondrait davantage à un livre de cuisine bourgeoise qu'à un livre de grande gastronomie, ce qui expliquerait l'importance des recettes de légumes et de céréales cuites avec des viandes bouillies.

Charles Perry, qui a traduit le texte en anglais, estime qu'il s'agirait plutôt d'une adaptation simplifiée des recettes de haute cuisine arabe.

Le Kitâb al-tibâkha serait-il l'équivalent arabe des recettes du Ménagier de Paris, lesquelles reprennent, en les simplifiant, de nombreuses recettes du Viandier de Taillevent ?

En effet, les recettes sont courtes, rédigées sommairement, à la manière du Viandier de Taillevent, ce qui n'est pas le cas de la majorité des livres précédents. Quand on observe certaines recettes au titre connu, on se rend compte de la simplification apportée aux grandes recettes du répertoire arabe classique (peu de détails, perte d'ingrédients, absence d'épices), au point que parfois, seul le nom de la recette est commun au répertoire.

77 % des recettes sont des recettes de viandes ou de saucisses. Les viandes (majoritairement non précisées) sont généralement du type pot au feu : viandes cuites à l'eau accompagnées de légumes frais ou secs ou de riz (25 %). Seulement 9 recettes sont réalisées avec des épices (safran, clou, gingembre ou poivre), mais 17 recettes contiennent des herbes aromatiques (persil, coriandre, menthe, thym) et 12 recettes du yaourt.

A remarquer la présence de fruits (pomme, prune, dattes, jus de citron ou d'orange amère) dans 25 % des recettes, un mélange fréquent noix et persil et 5 recettes de pâtes (Rishtâ, Salma, Tutmâj). Une seule recette sucrée : Halwâ proposé en 2 versions : nougat blanc appelé nâtif et gâteau.

L'ensemble des recettes est présenté sans plan apparent, sans introduction, ni conclusion, comme il est d'usage dans les livres de cuisine arabes. Il s'agit probablement d'un texte incomplet.

Qar'iyya
Faire bouillir la viande, puis faire frire des gourdes et des oignons avec de la coriandre pilée. Ensuite vous mettez le bouillon dessus.


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