Opera

de Bartolomeo Scappi

Texte : Marie Josèphe Moncorgé

Bartolomeo Scappi a écrit Oeuvre, publié à Venise en 1570. Opera a eu au moins 7 rééditions jusqu'en 1646.

Ce cuisinier est né à Dumenza, près du Lac Majeur, en Lombardie, à la fin du 15e siècle ou au début du 16e siècle. Il est mort le 13 avril 1577. D'origine modeste, il a acquis une certaine fortune par son travail de cuisinier auprès des grands prélats d'Eglise. Il a travaillé 7 ans au service du cardinal Marin Grimani à Venise (1528-1535), puis au service du cardinal Lorenzo Campeggi à Rome. Il a organisé pour le cardinal, en 1536, un somptueux banquet en l'honneur de Charles Quint (menu décrit au livre 4, Quadragesima, p. 320). Scappi a travaillé ensuite, toujours à Rome, au service d'un cardinal lors du conclave qui a élu le pape Jules III, puis comme cuisinier secret (secret signifiant privé) au service de plusieurs papes entre 1564 et 1576 : Pie IV, Pie V et Grégoire XIII.

L'historien français Bruno Laurioux met en doute, dans un livre publié en 2005 (Offices et papauté - XIVe-XVIIe siècle), l'existence d'un cuisinier appelé Bartolomeo Scappi, travaillant dans les cuisines du Vatican, n'ayant pas trouvé sa trace dans les archives pontificales. Mais l'historienne Italienne June de Schino a découvert en 2007 (il cuoco segreto dei Papi) que Scappi faisait partie de la Venerabile compagnia de cuochi e pasticieri di Roma, une confrérie influente qui regroupait les plus importants cuisiniers et pâtissiers de Rome.

Une copie de l'édition de Venise (1570) a été publiée par un éditeur italien : Arnaldo Forni en 2002. Google Books l'a mise en ligne : Opera de Scappi, copie de l'édition de Venise.

Bartolomeo Scappi est un bon connaisseur des cuisines régionales italiennes, qui présente plusieurs spécialités régionales. Mais il connaît également de nombreuses recettes d'autres pays : France, Espagne, Allemagne. Il donne même une recette de couscous à la moresque.

Opera se présente comme un traité culinaire avec plus de 1000 recettes de cuisine, de nombreux menus et, fait exceptionnel pour l'époque, des planches illustrant la cuisine, les cuisiniers au travail, les ustensiles de cuisine, le service des repas : un témoignage particulièrement important sur la pratique concrète de la cuisine.

Les recettes de Bartolomeo Scappi sont à la fois un héritage de la gastronomie médiévale (épices, sauces acidulées) et présentent quelques nouveautés propres aux cuisiniers italiens de la Renaissance : arrivée importante des abats à l'imitation de la cuisine romaine, arrivée des laitages (beurre, lait), augmentation significative des plats de viande ou poisson utilisant le sucre, début de la pâte feuilletée. Les produits d'Amérique ne sont pas encore présents sur les tables de la Renaissance en dehors de la poule d'Inde (la dinde).

Scappi semble avoir une prédilection pour les marinades, les cuissons à l'étouffée ou au bain-marie. Son traité est composé de 6 livres et une partie illustrée :


Oldcook : Bartolomeo Scappi, Opera - une cuisine de la Renaissance

Cuisine de la Renaissance,
Illustration tirée de Opera, Scappi (1570)


On peut remarquer en particulier des cuisines avec des foyers maçonnés (fourneau potager), de l'eau courante sur un évier, une cheminée surélevée, de nombreuses variétés de casseroles, couteaux, un levier pour soulever les grosses marmites, un tourne broche mécanique, des cuisiniers et des serveurs au travail : témoignages précieux de la vie des cuisiniers du 16e siècle.


Comme le Viandier de Taillevent, Opera a été plusieurs fois plagié ou imité : Libro de arte de cozina, de Diego Granado (Madrid, 1599) reprend les trois quart du livre. Antoine Magirus le plagie également (Koockboec oft Familieren Keukenboec, 1612). Marx Rumpolt le prend pour modèle (Ein New Kochbuch, Francfort, 1581). Lilian Plouvier estime que même Lancelot de Casteau (Ouverture de Cuisine, Liège, publié en 1604) s'en inspire.

Bartolomeo Scappi serait, à la Renaissance, l'équivalent d'Antonin Carême pour Liliane Plouvier et Françoise Sabban. Scappi est en effet non seulement un praticien mais aussi un théoricien de la cuisine, qui a su présenter un panorama complet de la cuisine de son époque. Domenico Romoli (La singolar Dottrina, Venise, 1560), qui avait été cuisinier avant d'être maître d'hôtel, reproche à Scappi de faire grand usage des épices et de sucre, ce qui ne convient pas au goût de beaucoup de personnes, et en particulier le gingembre, la noix de muscade et la cannelle (La gastronomie à la Renaissance, Sabban - Serventi) : La gastronomie médiévale va bientôt être contestée, pour faire place à la nouvelle cuisine du 17e siècle, qui précède la cuisine dite classique. Cette nouvelle cuisine va rejeter en particulier le mélange salé sucré (désormais, seuls les desserts seront sucrés) et diminuer les épices. Scappi est donc l'un des derniers grands cuisiniers de ce qu'on peut vraiment appeler la gastronomie médiévale.

Recette pour convalescents :

Per far minestra di sparagi salvatici et domestici
Piglisi la parte piu tenera, facciasi bollire nell'acqua calda fin'a tanto che divengano teneri, dapoi si facciano finire di cuocere in buon brodo di cappone, o di vitella, et con pochissimo brodo vogliono servirsi. Con li salvatici si puo cuocere dell'uva passa. Li domestici cotti che saranno nel brodo, et non disfatti si possono servire con sugo di melangole, zuccaro, et sale, et in giorno di magro, o di vigilta si terrà l'ordine de gli altri herbami. (Libro sesto, CIII, p. 413)

Pour faire potage d'asperges sauvages ou cultivées
Prendre la partie la plus tendre, les faire bouillir dans l'eau chaude jusqu'à ce qu'elles deviennent tendres, puis les finir de cuire dans du bon bouillon de chapon ou de veau, et avec un peu de ce bouillon les servir. Avec les asperges sauvages, on peut cuire des raisins secs. Une fois que les asperges cultivées auront été cuites dans leur bouillon, tout en restant entières, elles peuvent être servies avec du jus d'orange amère, du sucre et du sel, et en jour maigre ou de jeûne on servira les autres légumes comme d'habitude. (Livre 6, 103, p. 413)

Recette de pizza :

Per fare pizza a un'altro modo
Piglinsi libre due di fior di farina, e impastinsi con oncie sei di cascio Parmigiano pisto nel mortaro, stemperato con brodo grasso, e acqua rosa, e passato per il setaccio, e oncie tre di zuccaro, sei rossi doua, tre oncie di mollica di pane imbeuerata con brodo grasso, mezz'oncia di cannella, mezz'oncia tra garofali, e noci moscate, e per spatio d'un'hora rimenisi essa pasta, e facciasene sfoglio sottile, e ongasi di butiro liquefatto, e facciasene tortiglione per il lungo del sfoglio di quattro riuolture, e ongasi il tortiglione di buttiro liquefatto non troppo caldo, e d'esso tortiglione facciansene piu su caccine, e frigghisino in butiro, o strutto, o cuochisino nel forno nella tortiera, come si cuoce i tortiglioni, seruisino calde con zuccaro sopra.

En français : Pour faire une pizza d'une autre façon.

Recette de cuisine (dessert) : Pizza.


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Opera by Bartolomeo Scappi