L'art culinaire en "Belgique" entre 500 et 1800

Texte : Marie Josèphe Moncorgé

Introduction à l'article de Liliane Plouvier, historienne (Bruxelles), spécialiste de l'histoire de l'alimentation en Europe.

Liliane Plouvier a déjà publié L’Europe se met à table, un condensé de l’histoire de la gastronomie en Europe. Dans cet article, vous retrouverez cités un certain nombre des principaux livres de cuisine déjà décrits dans le livre publié en 2000. Mais cette histoire de la gastronomie, familière aux lecteurs des articles de Liliane et des articles d’Old Cook, est présentée sous un jour nouveau : l’histoire de la gastronomie vue avec des lunettes belges ! Nous découvrons ainsi une histoire culinaire à la fois familière et intégrant des éléments quasiment inconnus des Français. Un point de vue original qui nous change des histoires trop franco-françaises.

Oldcook : la cuisine arabe préislamique et du temps de Mahomet - Carte des Pays-Bas bourguignons

Les Pays-Bas bourguignons au XVe siècle

Si la Belgique n’existe que depuis 1830, les tribus belges font partie des peuples de la Gaule antique ! L’histoire culinaire belge débute donc dans la Gallia Belgica, avec le De re coquinaria d’Apicius. Elle se poursuit avec le De observatione ciborum du médecin grec Anthime, qui a écrit ce petit traité diététique pour Thierry 1er, roi des Francs, enterré en Belgique, à Tournai. Pour Liliane Plouvier, le méditerranéen Anthime est le père du syncrétisme romano-germanique : il propose la doctrine antique des Grecs et des Romains à la sauce franque, en adaptant ses conseils aux mœurs culinaires mérovingiennes.

Puis vient l’étude du Libellus de arte coquinaria, souvent connu sous le nom du médecin danois Harpestraeng. Ce manuscrit écrit en danois propose des recettes capétiennes que l’on retrouve dans le Viandier de Taillevent, preuve de la diffusion vers le Nord de l’Europe, de la gastronomie française. Liliane Plouvier trouve ensuite dans le Tractatus de modo preparandi une influence flamande.

La Belgique faisant partie du Grand-Duché de Bourgogne, les influences romano-germaniques de la cuisine capétienne sont tempérées par une influence culinaire romano-byzantine : apparaissent le développement des pâtes, des confiseries, héritières de la gastronomie arabe.

Platine, auteur du De honesta voluptate, est imprimé à Louvain en 1485. Il est traduit en flamand un siècle plus tard. Héritier de la tradition culinaire de Maestro Martino et de la cour de Sicile, il apporte une influence méditerranéenne aux Franco-Bourguignons. Le Viandier est également traduit en flamand à Bruxelles vers 1515. Plusieurs réceptaires en français et en flamand en sont les héritiers entre le 15e et le début du 16e siècle, dont le Vivendier, découvert dans un codex d’un médecin de Tournai.

Nous découvrons une cuisine "du Nord" qui est en fait très inspirée par la cuisine méditerranéenne, avec l’emploi des épices, des saveurs aigres-douces mais aussi du beurre, du smout (graisse en flamand), de l’huile de navette (voisine du colza) et des pâtes. Rappelons que les commerçants et banquiers italiens étaient nombreux à Bruges.

Le fameux "Vœu du faisan", en 1454, est en fait un festin bourguignon, célèbre pour ses entremets et organisé à Lille par le duc bourguignon Philippe le Bon.

Puis arrive Lancelot de Casteau, maître queux des princes évêques de Liège. Sa cuisine est riche d’influences méditerranéennes, inspirée par l’italien Scappi, riche en épices et herbes aromatiques, en saveurs aigres-douces. Mais c’est aussi une cuisine au beurre. Il propose aussi bien l’escabèche (esturgeon en adobe), des recettes de pâtes ou de pâte feuilletée (influence arabe) qu’une recette de dinde (originaire du Nouveau Monde).

Liliane Plouvier termine son panorama de la cuisine belge d’autrefois par l’influence de La Varenne au 17e siècle, de la "nouvelle cuisine" de Menon au 18e siècle. La Flandre étant très pauvre au 17e siècle, la pomme de terre américaine devient l’aliment privilégié des Flamands, laissant entrevoir une lutte des classes culinaire entre prolétariat et bourgeoisie au moment de la Révolution industrielle.

Pour lire ou télécharger l'article de Liliane Plouvier :
L’art culinaire en "Belgique" entre 500 et 1800 - La période préindustrielle, dir. Robert Halleux et Jan Vandersmissen en collaboration avec Philippe Tomsin, Vol III, Les Editions de la province de Liège, 2015


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