Livres de cuisine médiévale

écrits en français

Texte : Marie Josèphe Moncorgé

Le Viandier de Taillevent, par sa notoriété, a fait oublier les autres livres de cuisine en français. Malheureusement certains textes sont encore introuvables pour le lecteur non spécialiste.


Manuscrits anglo-normands

Deux recueils ont été retrouvés à la British Library de Londres au milieu de manuscrits de droit. Ils étaient écrits en anglo-normand, la langue parlée en Angleterre par les clercs et les seigneurs, entre l'arrivée de Guillaume le Conquérant en Angleterre (1066) et le milieu du 14e siècle.

Le premier manuscrit intitulé Comment l'on doit faire Viande et Claré aurait été écrit entre 1293 et 1297. Il comporte 29 recettes, traduites en français par Bruno Laurioux dans Une histoire culinaire au Moyen Age, Honoré Champion, 2005). Le second manuscrit est plus récent et comprend davantage de recettes. D'après l'historienne italienne Anna Martellotti (I recettari di Frederico II, Leo S. Olschki Editore 2005), il s'agirait d'une compilation de recettes de la cour normande de Sicile, de l'époque du roi Roger II (1166-1189). Ce qui expliquerait la présence de recettes d'inspiration arabe : Roger II avait un intendant de cuisine arabe et sa cour, avant celle de Frédéric II, était fortement influencée par la brillante civilisation arabo-andalouse.

Ces textes ont été repris en partie dans le recueil anglais : Doctrina faciendi diversa cibaria, datant d'environ 1325 et publié en anglais par Constance B. Hieatt et Sharon Buttler en 1985. Certaines recettes seront reprises jusqu'au 15e siècle.

Ravieles : E une autre manere de viaunde, ke ad noun ravieles. Pernez bel flur et sucre, e festes un past; e pernez bon formage e bure, e braez ensemble; e puys pernez persil e sauge e eschalouns, e mincez les menu, e jettez les dedenz la fassure; e puys pernez formage myé et metez desus e desuz; e puys metez au furn.

Ravioles : C'est une autre manière de nourriture, qui a pour nom ravioles. Prenez de la belle farine et du sucre, et faites de la pâte ; et prenez du bon fromage et du beurre, et broyez ensemble ; et puis prenez du persil et de la sauge et des échalotes, hâchez-les menu, et jetez-les dans la farce [de fromage et de beurre] ; et puis prenez du fromage râpé et mettez-en dessus et dessous ; et puis mettez au four.

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Enseingnemenz qui enseingnent a apareillier toutes manières de viandes...



Le Viandier de Taillevent et le manuscrit de Sion



Le Mesnagier de Paris

Le Ménagier est un texte d'économie domestique écrit vers 1393 par un bourgeois de Paris pour sa très jeune épouse. Les recettes de cuisine, dans le dernier tiers de l'ouvrage, reprennent en les simplifiant une partie des recettes du Viandier.

Le Ménagier semble posséder des liens étroits avec la cour de Bourgogne. D'après Liliane Plouvier, la librairie des ducs possède 2 copies de ce manuscrit dont l'une avec des armoiries de Philippe Le Bon. Un troisième exemplaire est rédigé sous le règne de Charles le Téméraire, en français de Flandre, et il est armorié de l'écusson des sires de Roubaix, attachés au service du duc de Bourgogne.

Le Ménagier de Paris présente plusieurs entremets où l'on peut reconnaître la griffe bourguignonne : poulaille farcie (242), 3 recettes de gelées (251, 252 et 253). Plusieurs recettes sont originaires de Tournai (possession des ducs de Bourgogne au Moyen Age et actuellement en Belgique) : morue (appelée cabillaud à Tournai quand elle est fraîche et stockfisch quand elle est séchée, 194), crêpes à la mode de Tournai (263), sauce cameline de Tournai (271).

Edité en 1846 à Paris par Jérôme Pichon, puis par Lettres gothiques, Le livre de poche, Paris, 1994, dont voici quelques recettes tirées de la partie II, v :

116. Civé de lievre. Premierement fendez le lievre par la poictrine, et s'il est de fresche prise, comme d'un ou deux jours, ne le lavez point, maiz le mectez harler sur le greil - id est roidir sur le bon feu de charbon - ou en la broche. Puiz aiez des ongnons cuiz, et du sain en ung pot, et mectez vos ongnons avec le sain, et vostre lievre par morceaulx, et les friolez au feu, en hochant le pot tres souvent, ou le friolez au fer de la paelle. Puiz harlez et brulez du pain, et trempez en l'eaue de la char avec vinaigre et vin. Et ayez avant broyé gingembre, graine, giroffle, poivre long, noiz muguectes et canelle, et soient broyez et destrempez de vertjus et vinaigre ou boullon de char. Requeilliez puiz mectez d'une part. Puiz broyez vostre pain, deffaictes du boullon, et coulez le pain, et non les espices, par l'estamine; et mectez le boullon, les ongnons, et sain, espices, et pain brulé tout [cuire] ensemble, et le lievre aussi; et gardez que le civé soit brun, aguisé de vinaigre, atrempé de sel et d'espices.
Nota que vous congnoistrés l'aage d'un lievre aux trouz qui sont dessolz la queue; car pour tant de pertruiz, tant d'ans.

117. Civé de connin, comme dessus.

Traduction en français : Civé de connin, recette du concours Maître Chiquart.

118. Tuille de char.
Prenez escrevisses cuictes et en ostez la char des queues, et le seurplus - cest assavoir coquilles et charquoiz - broyez treslonguement. Et apres ayez amandes sans peler, et soient eslites, et lavees en eaue chaude comme poiz, et avec l'escorche soient broyees avec ce que dit est; et avec ce broyez mye de pain sory sur le greil. Or devez vous avoir cuit en eaue, en vin et en sel chappons, poucins, et poules despeciez tous crus par quartiers, ou veel despecié par morceaulx; et de l'eaue d'icelle cuicture devez destremper et deffaire ce que vous avez broyé, puiz coulez parmy l'estamine, puis rebroyez le relaiz et coulez arriere. Puiz gingembre, canelle, clouz et poivre long destrempé de vertjus sans vinaigre, puiz boulez tout ensemble. Or soit vostre grain cuit en sain de porc par morceaulx ou quartiers, et dreciez vostre grain par escuelles et mectez du potage pardessus. Et sur le potage de chascune escuelle .iiii. ou .v. queues d'escrevices, et du succre pardessus pouldré.

Traduction en français : Tuille de char, recette du concours Maître Chiquart.

57. Souppe despourveue. Aliter, a jour de char. Prenez du chaudeau de la char et ayez pain trempé ou maigre de l'eaue de la char, puis broyez, et .vi. oeufz; puiz coulez et mectez en ung pot avec de l'eaue grasse, espices, vertjus, vinaigre, saffran. Faictes boulir ung boullon, puis dreciez par escuelles.

Soupe improvisée. Autrement, pour jour gras. Prenez du bouillon de viande et faites tremper du pain dans la partie maigre du bouillon, puis broyez, et ajoutez 6 oeufs; puis passez à l'étamine et mettez dans un pot avec du bouillon gras, épices, verjus, vinaigre, safran. Portez à ébullition et servez dans des écuelles.

225. Une arboulaste ou deux de oeufz. Prenez du coq .ii. feuilles seulement, et de rue moins la moictié ou neant - car sachiez qu'il est forte et amer - de l'ache, tenoise, mente et sauge, de chascun au regard de quatre feuilles ou moins - car chascun est fort - marjolaine ung petit plus, fenoul plus, et percil encores plus. Mais de poree : bectes, feuilles de violectes, espinars et laictues, orvale, autant de l'un comme de l'autre, tant que de tout vous ayez deux pongnees largement. Eslisiez et lavez en eaue froide, puis les espraignez et ostez toute l'eaue. Et broyez deux cloches de gingembre, puis mectez ou mortier a deux ou troiz foiz vos herbes avec ledit gingembre broyé, et broyez l'un avec l'autre. Et puis ayez seize oeufz bien batuz ensemble - moyeulx et aubuns - et broyez et meslez ou mortier avec ce que dit est. Puis partez en deux, et faictes deux allumelles espesses qui seront frictes par la maniere qui s'ensuit : premierement vous chaufferez tresbien vostre paelle a huille, beurre, ou autre gresse que vous vouldrez; et quant elle sera bien chaude de toutes pars, et par especial devers la queue, meslez et espandez vos oeufz parmy la paelle, et tournez a une palecte souvent ce dessus dessoubz; puis gectez de bon frommage gratuisé pardessus. Et sachez que ce est ainsi fait pour ce, qui brayeroit le frommage avec les herbes et oeufz, quant l'en cuideroit frire son alumelle, le frommage qui seroit dessoubz se tendroit a la paelle. Et ainsi fait il d'une alemelle de oeufz, qui mesle les oeufz avec le frommage. Et pour ce l'en doit premierement mectre les oeufz en la paelle, et mectre le frommage dessus, et puis couvrir des bors des oeufz; et autrement se prendroient a la paelle. Et quant vos herbes seront frictes en la paelle, si donnez fourme quarree ou ronde a vostre arboulastre, et la mengiez ne trop chaude ne trop froide.

Une ou deux omelettes aux oeufs. Prenez deux feuilles seulement de menthe-coq (balsamite) et moins d'une feuille de rue ou pas du tout - car il faut savoir qu'elle est forte et amère - de l'ache, de la tanaisie, de la menthe et de la sauge, quatre feuilles ou moins de chaque - car elles sont fortes - de la marjolaine un peu plus, davantage de fenouil, et du persil encore plus. Quant aux légumes à porée : prenez une quantité égale de blettes, feuilles de violettes, épinards, laitues et sauge sclarée, en tout deux grandes poignées. Triez-les et lavez-les à l'eau froide, puis pressez-les afin d'en ôter toute l'eau. Broyez deux cloches de gingembre dans le mortier et ajoutez-y en deux ou trois fois vos herbes et broyez le tout. Puis battez bien seize oeufs, blanc et jaune ensemble, et mélangez avec ce qui est déjà dans le mortier. Puis partagez en deux et faites deux omelettes épaisses que vous ferez frire de la manière suivante : premièrement, vous chaufferez très bien de l'huile, du beurre ou une autre graisse de votre choix dans votre poêle. Quand elle sera bien chaude partout et plus spécialement vers la queue, versez vos oeufs battus dans la poêle, mélangez et retournez souvent avec une cuillère de bois, puis parsemez de bon fromage râpé. Sachez qu'on procède ainsi parce que si on broyait le fromage avec les herbes et les oeufs, au moment de mettre l'omelette à frire, le fromage qui irait au fond de la poêle attacherait. C'est ainsi qu'on fait une omelette au fromage. On doit d'abord mettre les oeufs dans la poêle, et mettre le fromage par dessus sans en mettre sur les bords, sinon l'omelette attacherait à la poêle. Et quand vos herbes seront cuites dans la poêle, donnez une forme carrée ou ronde à votre omelette et mangez-la ni trop chaude ni trop froide.

260.Rissoles a jour de poisson
Item, au commun l'en les fait de figues, roisins, pommes hastees et nois pelees pour contrefaire le pignolet, et pouldre d'espices; et soit la paste tresbien ensafrenee. Puis soient frictes en huile. S'il y couvient lyeure, amidon lye, et ris aussi.

Rissoles pour les jours maigres
Item, normalement on les prépare avec des figues, des raisins secs, des pommes rôties, des noix pelées pour contrefaire le pignolat et des épices en poudre. Il faut que la pâte soit bien colorée au safran, et on les fait frire dans l'huile. S'il est nécessaire de lier [la farce], l'amidon ou le riz font liaison.

Recettes de cuisine :

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Du fait de cuisine (Maître Chiquart, 1420)



Le Vivendier

Conservé à Kassel, ce manuscrit a été trouvé dans un énorme codex contenant des textes de Jacques Despars, médecin originaire de Tournai au 15e siècle. Ce médecin a travaillé pour le duc de Bourgogne, Philippe le Bon et le roi de France, Charles VII. Le Vivendier (de viandier, celui qui procure la nourriture), aurait été composé entre 1420 et 1440 en Flandre.

Il a été édité en 1997 par Térence Scully à Totnes (Devon). Le Vivendier a été également transcrit par Bruno Laurioux en annexe du Règne de Taillevent, Publications de la Sorbonne, 1997. En 2009, Jean-François Kosta-Théfaine, docteur en littérature médiévale et chercheur associé au Centre d'Etudes des textes médiévaux (Université Rennes II), a publié une nouvelle transcription du Vivendier (Editions Paleo) et une traduction de l'ouvrage (Editions Imago).

Transcription et traduction en français, sous la direction d'Annick Englebert, Université libre de Bruxelles.

Les premiers mots sont :
Chye commenche un vivendier qui ordonne pour apparillier pluiseurs manierez de viandes.

Puis sont présentées 73 recettes d'origines diverses et classés dans un relatif désordre (plats pour jours gras et jours maigres mélangés en début et en fin de recueil). On trouve également un chapitre de poissons (5 recettes n° 33 à 37), un chapitre de saulces (6 recettes n° 38 à 43), une recette pour malades : coulich de malades (blanc de poulet cuit dans du bouillon, du vin et du sucre, n° 19) et quelques entremets (n° 15, 59 et 61). On retrouve certaines recettes du Viandier, des recettes d'origine italienne (crevesthes n° 44, vermiscaux de cocille n° 52), des recettes de Maître Chiquart (poisson en trois manieres et couleurs n° 15, amplummus n° 17, potage de lievre n° 68). Certaines recettes sucrées (saulse cameline n° 6, tarte lombarde n° 7, brehee n° 56) prouvent une influence anglaise ou italienne à côté des recettes, plus acides, d'inspiration française (dont une sauce cameline acide n° 38).

4 recettes sont une exclusivité du Vivendier : la soupe de carubrelencq (soupe de pain sucré et cuit dans du vin épicé, n° 16), le brouet de hongheue (viande avec sauce au sang, n° 55), la pignagosce sur chapons (poulet en sauce au vin avec verjus, vinaigre, épices et persil, lié au foie et au pain, n° 57) et les hemasolles sur tout bon grain (porc en sauce au vin, avec vinaigre et épices, lié au pain blanc et aux jaunes d'oeufs, n° 58). Il s'agirait de recettes originaires de Flandre.

Des plats utilisant du beurre, comme la grenee fourmentee n° 31 et 32, confirment l'origine locale du manuscrit. Selon Térence Scully et Liliane Plouvier, le Vivendier illustre la cuisine fastueuse de la cour de Bourgogne. L'origine variée des recettes témoigne du cosmopolitisme de la cour de Bourgogne. On y trouve en particulier des gelées et galantines ainsi que des entremets :

16 - Soupe de carubrelencq
Pour faire une souppe de carubrelencq. Prenez pain blancq et le mettez rostir sur le charbon par lesches, puis les mettez temprer en vin; puis prenez chucquere ou crosse dragié [sucre ou grosse dragée] et le laissiez confir dessus; apres ayé vin boullant, avoecq gingembre et canelle, jettez par-dessus chauldement.

1 - Barbe Robert
En premier lieu, pour faire une barbe Robert, prenez un peu d'eau claire, et faites-la bouillir avec du beurre. Puis ajoutez du vin, de la moutarde, du verjus, des épices en quantité et aussi fortes que vous aimez, et laissez bouillir le tout. Et prenez vos morceaux de poulet, ajoutez-les à l'ensemble, et laissez bouillir le tout quelques instants. Ensuite faites-les rôtir. Prenez soin de conserver suffisamment de bouillon. Il doit être un peu coloré avec du safran.
Traduction J.F. Kosta-Théfaine
Note : il s'agit d'une sauce à la moutarde et aux épices dans laquelle on fait cuire un moment les morceaux de poulet avant de les faire rôtir. Le style du Vivendier, par son goût de la précision, ressemble beaucoup au style de maître Chiquart.

42 - Crevettes
On doit bien les laver et les cuire dans un pot couvert, sans eau, avec du vin - ou du vinaigre et de l’eau ou du verjus - et du sel. Laissez bouillir jusqu’à ce que le tout ait réduit, puis égouttez-les et conservez-les bien couvertes et au chaud. Mangez-les avec du sel, du vinaigre ou du persil effeuillé dessus.
Traduction J.F. Kosta-Théfaine

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Le recueil de Riom et la manière de henter soutillement

Texte écrit vers 1466 par un bourgeois ou petit noble auvergnat. Différentes de celles du Viandier et du Ménagier, les recettes sont suivies d'un réceptaire sur les greffes.

Edité par Carole Lambert à Montréal 1987, Le moyen français Revue d'études linguistiques et littéraires.

Texte original en ancien français et traduction par Jean-François Kosta-Théfaine : Le Recueil de Riom (Recettes de cuisine du XVe siècle), Clermont-Ferrand, Editions Paleo, 2009, 120 pages. Jean-François Kosta-Théfaine, docteur en littérature médiévale, est chercheur associé au Centre d'Etudes des Textes Médiévaux, Université de Rennes 2.

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Platine en francoys (1505)



Livre de cuysine tresutile et proufittable

Ce texte a été publié à Lyon en 1542 et réédité à Paris par Pierre Sergent sous différents noms. Ph et M Hyman, en 1996, donnent la chronologie suivante :

Le Grand Cuisinier de toute cuisine, 1542, qui a été réédité en 1588 et 1602 sous l'appelation Le livre de honneste volupté.

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Le livre des confitures de Nostradamus (1555)



Ouverture de cuisine (Lancelot de Casteau, 1585)



Le Thresor de santé ou mesnage de la vie humaine

Le Trésor de santé, écrit par un des plus celebres et fameux Medecin de ce siècle, est, au départ, comme De honesta voluptate de Platine, un livre de diététique. Il décrit les aliments, leur valeur diététique et leur préparation, nous permettant ainsi de découvrir de nombreuses recettes (moins de 50% du texte). Publié à Lyon en 1607.


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