La cuisine du Haut Moyen Age

Texte : Marie Josèphe Moncorgé

Appelé souvent âge sombre ou temps barbares, ce qu'on appelle le Haut Moyen Age est une période intermédiaire entre la fin de l'empire romain (5e siècle) et le début du royaume de France (10e siècle). Cette période est souvent décrite, à tort, comme un recul de civilisation, en raison de fortes périodes d'instabilité politique et d'invasions.

Les Barbares

La langue française a gardé en souvenir le mot barbare, qui veut dire simplement étranger en grec (barbaros), les mots vandale et vandalisme (expressions qui datent du 18e siècle !) pour qualifier pillage et destruction, ou le mot gothique qui désigne à la fois un style architectural médiéval et un mouvement culturel (musical et architectural), sans rapport avec le peuple des Goths.

Vandales, Goths, Burgondes, Francs sont des populations germaniques qui ont voulu migrer (souvent par petits groupes) vers le sud, ont lutté contre l'empire romain et ont participé à sa chute. Il n'y a pas eu d'invasion proprement dite, mais plutôt des transferts de pouvoir (parfois violents) : les peuples locaux sont passés d'une domination romaine à une domination "barbare". En fait, face à la culture romaine, les élites germaniques se sont vite assimilées, adoptant souvent les lois, les coutumes, la langue, la religion des Romains (l'arianisme, une variante du christianisme).

Le contact entre ces cultures germaniques, la culture romaine et les cultures locales, en partie celtiques, a produit un syncrétisme culturel dont nous avons hérité dans nos sociétés européennes contemporaines. On a longtemps opposé la triade méditerranéenne blé, vin et huile d'olive à la triade germanique viande, bière et beurre. Mais pour faire de la cervoise, il faut avoir cultivé des céréales. Et le christianisme, héritier d'une partie de la culture romaine, privilégie le pain et le vin dans sa liturgie. Or les Barbares ont été majoritairement convertis à l'arianisme et ont adopté ces coutumes religieuses. L'opposition est donc moins franche qu'on pourrait le croire.

La viande

La classe dominante des dirigeants et des guerriers n'hésite pas à manger des quantités importantes de viande : la viande procure la force nutritive qu'apportait le pain dans l'Antiquité et manger de la viande en quantité est un symbole de pouvoir dans la culture culinaire germanique. Si le plat de viande est encore souvent le plat principal dans la cuisine française, c'est un héritage culturel des Francs, barbares d'origine germanique qui ont dirigé la Gaule entre Clovis et Charlemagne.

Oldcook : la cuisine du Haut Moyen Age : cochon sauvage en Corse

L'abondance des forêts de chênes favorise l'élevage des cochons, remplacé par l'élevage des moutons dans les régions méditerranéennes. Les cochons sont proches des sangliers, avec lesquels ils peuvent se croiser, étant élevés en semi-liberté, à la manière des cochons corses actuels. Ce sont des animaux beaucoup plus maigres que les races actuelles.


Les bœufs sont surtout élevés pour le labour et principalement consommés, en fin de vie, par les paysans.

La chasse est libre avant le 9e siècle : paysans et seigneurs peuvent dont manger du gibier en abondance. En conséquence, pendant le Haut Moyen Age, les paysans ont une nourriture plus équilibrée que dans les périodes suivantes. A partir du 9e siècle, la chasse devient peu à peu le privilège exclusif de la noblesse.

Le poisson d'eau douce peut être localement abondant dans les rivières et les étangs, permettant facilement un approvisionnement en protéines les jours maigres, pendant lesquels la viande est interdite par la religion.

La viande est salée pour être conservée par les paysans, qui la consomment souvent bouillie, avec des céréales, légumes ou légumineuses. Elle est généralement consommée rôtie ou braisée par les seigneurs.

Beurre et lait sont des signes de culture culinaire barbare, nourriture des Bretons, les Gallo-romains préférant l'huile d'olive et le fromage. Mais les Francs sont de grands amateurs de lard. Le fromage est souvent du fromage de chèvre, à la rigueur de brebis (les moutons sont surtout élevés pour leur laine et leur viande), les bovins étant avant tout des animaux de trait, il y a encore peu d'élevage de vaches laitières.

La cuisine médiévale va peu à peu devenir une cuisine au saindoux et au lard, y compris dans les pays méditerranéens, réservant la cuisine à l'huile pour les "jours maigres" où l'emploi des graisses animales sont interdites pour des raisons religieuses. Il faut attendre le 16e siècle, en France, pour que les livres de gastronomie commencent à intégrer le beurre dans la cuisine, en remplacement du saindoux.

Pain et céréales

Au 7e siècle, le pain n'est pas encore l'élément central de l'alimentation. Il sert encore d'accompagnement des viandes, comme à l'époque romaine. La nourriture est relativement diversifiée. Dans les siècles qui vont suivre le pain va souvent remplacer la viande dans l'alimentation des classes pauvres de la société. Les conséquences seront parfois catastrophiques : régime alimentaire moins diversifié et risque de famine en cas de mauvaises récoltes de céréales.

Pendant le Haut Moyen Age, les céréales plus rustiques que le blé se développent : seigle, avoine et épeautre au nord, orge et mil au sud. On rajoute souvent au pain des graines de pavot, de lin, d'anis ou de carvi, à la manière des Romains. Le pain de froment (ou pain blanc) est un luxe réservé aux gens riches ou aux jours de fête. Le pain de méteil (mélange blé et seigle) semble être le pain quotidien, le pain d'orge étant plutôt réservé aux jours de jeûne. Les Germains font majoritairement du pain de seigle, parfois mélangé à de la farine de glands.

Boissons

La cervoise (sans houblon et non filtrée) semble davantage fabriquée avec du blé qu'avec de l'orge contrairement à la bière actuelle.

Le vin est régulièrement aromatisé avec du miel et/ou des épices, à la manière des Romains. Le vin d'absinthe, spécialité romaine, est présenté par Anthime (médecin grec dont il est question plus loin) comme une spécialité germanique.

Il semble que les excès de boissons alcoolisées soient fréquents. La violence générée par l'ivresse est souvent décrite par Grégoire de Tours.

Légumes et légumineuses

Les légumineuses (fève, haricot dolique, pois chiche, gesse, pois sec) sont consommées par les paysans, comme les légumes.

Le capitulaire de Charlemagne, De villis vel curtis imperialibus (Des terres et cours impériales), acte législatif édité vers l'an 800, donne une liste de 90 plantes et arbres fruitiers dont la culture est recommandée dans les jardins de l'empire. On y trouve des légumes identiques à ceux de la période romaine : navet, chou, poireau, carotte, panais, salades et herbes à porées. Cette liste est un peu théorique : certains légumes sont plus faciles à cultiver dans le midi de la France (concombre, melon, fenouil...) que sous le climat de la région d'Aix la Chapelle.

A remarquer dans cette liste : le haricot (fasiolum) est en fait le haricot dolique européen et non le haricot que nous connaissons habituellement, qui vient d'Amérique et la courge (cucurbitas) est la gourde calebasse, à ne pas confondre avec la courge américaine. Inutile donc de chercher dans cette liste tomate, pomme de terre ou courgette, eux aussi originaires d'Amérique et inconnus en Europe avant la fin du 15e siècle, ou l'aubergine, connue des arabes au 8e siècle, mais qui n'arrive en Catalogne qu'au 14e siècle.

Les légumes sont cultivés dans les jardins potagers des villes et des campagnes. Les paysans ne payent pas d'impôts sur la récolte de leur potager et peuvent complémenter leur alimentation par la cueillette des herbes aromatiques et des herbes comestibles le long des chemins ou dans les champs.

En dehors du pain, consommé par tous, céréales et légumes sont des nourritures qui conviennent davantage aux paysans pauvres ou aux moines qui font vœu de pauvreté qu'aux guerriers et aux nobles, qui ont le pouvoir et ont besoin de la force apportée par la viande. Cette idée d'une alimentation liée à la classe sociale va se poursuivre et se développer pendant toute la période médiévale.

Le banquet

Boire et manger ensemble sont des actes qui engagent les convives dans cette période du Haut Moyen Age. A tous les niveaux de la société, le repas crée du lien social. C'est un rituel qui, dans une société où les rapports humains peuvent être rudes, est le signe d'une relation apaisée. Lors des banquets, à l'occasion d'événements festifs (baptême, mariage, investiture), se nouent des alliances, se manifestent des liens d'amitié, d'association ou de subordination, se concluent des contrats. Accepter une invitation à un repas signifie donc accepter le signe public d'une entente ou de la paix entre les convives ou d'une réconciliation entre les ennemis.

Le convivium est un repas pris en commun, signe de confiance entre convives. Il peut durer plusieurs jours de suite, parfois entrecoupé de festivités. Quand les sources écrites indiquent une rencontre ad convivum et munera, cela signifie la conclusion d'une alliance et un jeu d'obligations entre participants. Pendant le convivium, on s'échange des cadeaux, on boit et on mange parfois avec excès, ce qui est condamné par l'Eglise. L'ivresse peut conduire à la violence ou certains ennemis, conviés à un convivium de paix, peuvent être assassinés ou empoisonnés, ce qui est jugé presqu'acceptable par la société s'il s'agit de païens !

La mise en scène du repas de cérémonie, très codifiée, se retrouvera dans les époques suivantes.

Si certaines élites gallo-romaines mangent encore couchées, à la manière des Romains, au 6e siècle, la coutume de manger assis va être rapidement adoptée par tous pendant la période mérovingienne.

Les témoignages

En cuisine, cette période est effectivement une période de transition, dont on a des renseignements fragmentaires, grâce à quelques témoignages, un livre de cuisine et un livre de diététique.

Grégoire de Tours

L'évêque Grégoire de Tours, gallo-romain originaire d'Auvergne, a vécu au 6e siècle (539-594), a été témoin de la vie politique et sociale de l'époque mérovingienne, qu'il a consignée dans Historia Francorum ou Histoire des Francs, une histoire, écrite en latin, qui débute à la création du monde (livre 1) pour se terminer à l'époque de Grégoire (livre 10 : 589-591).

Oldcook : la cuisine du Haut Moyen Age : Grégoire de Tours, Histoire des Francs

L'histoire des Francs relate principalement l'arrivée des Francs, les débuts de la dynastie mérovingienne et la période contemporaine de Grégoire. Il parle des nombreux rois d'Austrasie, de Bourgogne ou d'ailleurs, de grands évêques ou de certaines reines. Par exemple, Clovis, Gondebaud, Childebert, Chilpéric ou Gontran, Leuvigild (Espagne), Théodoric (Italie), Clothilde, Frédégonde, saint Martin, Sidoine Apollinaire, etc.


Les rares indications culinaires nous présentent une époque toute en contrastes :

Un livre de cuisine : Excerpta de Vinidarius

Le seul livre de cuisine romaine qui nous soit parvenu est le De re coquinaria, attribué à Apicius, un riche gourmet de l'époque de Tibère, réputé pour ses dépenses alimentaires extravagantes et son goût du raffinement. En fait Apicius n'est présenté comme l'auteur de recettes de cuisine qu'à partir du 4e et 5e siècle.

La dernière partie, appelée Excerpta (extraits) d'Apicius, est attribuée à Vinidarius. La langue des Excerpta est postérieure à la première partie du De re coquinaria, elle daterait du 6e siècle.

Vinidarius est un Ostrogoth de la noblesse (il est appelé viro inlustri, illustre). Les Ostrogoths ont colonisé l'Italie dans la première moitié du 6e siècle et sont chassés d'Italie à partir de 552 : Les Excerpta seraient donc antérieures aux années 550.

Les Excerpta présentent une liste d'épices, de graines, de plantes séchées, de boissons et de fruits à coques, suivie de 31 recettes, en majorité des sauces ou des viandes et poissons en sauce. On constate à la fois une continuité avec la cuisine de la première partie du De re coquinaria et une évolution. Par exemple, dans les Excerpta, certaines herbes aromatiques sont moins présentes (rue, menthe, cumin, sarriette, thym) ou même absentes (persil ou fenouil). Le safran sert désormais pour colorer les sauces et le nard, héritage de la mode de la cuisine de Byzance, est utilisé dans deux sauces. Le clou de girofle fait sa première apparition dans la liste des épices, mais il ne sera utilisé en cuisine que chez Anthime.

Miel, garum, vinaigre et vin paillé, typiques de la cuisine romaine antique, sont très présents, Les légumes entrent dans la préparation de plusieurs plats (choux, bette, brocoli, poireau, céleri), comme les fruits (dattes, raisins secs, pignons).

Parmi les 17 recettes de viandes, 7 concernent le porc, les autres l'agneau, le chevreau, le poulet, les tourterelles, perdrix et grives. Parmi les 13 recettes de poissons sont cités rascasse, germon, surmulet, murène, sole et langouste. Certaines recettes sont très proches du De re coquinaria.

Oldcook : la cuisine du Haut Moyen Age : Apicius, De re coquinaria

De re coquinaria

Le livre d'Apicius est très présent pendant le Haut Moyen Age, cité par Isidore de Séville (560-636), copié par les moines des abbayes de Fulda et de Tours, à l'époque carolingienne. Un seul manuscrit de Vinidarius a été retrouvé.

Peut-on en conclure que la cuisine des élites est plus proche de la cuisine gallo-romaine que de la cuisine des Germains ?

Liliane Plouvier, historienne médiéviste de Bruxelles, qui a publié Festins mérovingiens avec Alain Dierkens, parle de la modernité culinaire de Vinidarius, et propose, en exemple, une recette de germon (thon), qui serait peut-être à l'origine de la sauce tartare (rappelons que Vinidarius est Ostrogoth et que le mot tartare désigne souvent les "barbares nordiques") :

Pilez du poivre, des graines de livèche, de l'origan, de l'oignon sec, des jaunes d'œuf cuits durs, du vinaigre et de l'huile. Amalgamez le tout et versez sur le poisson. (n°12 – traduction J. André).

Un livre de diététique : De observatione ciborum d'Anthime

A la même époque, paraît un livre de diététique : De observatione ciborum, écrit par Anthime, médecin grec de Thierry 1e (roi des Francs et fils de Clovis de 511 à 533). Anthime a fait ses études de médecine à Byzance. Exilé, il s'est réfugié à la cour de Théodoric à Ravenne. Ce dernier, rival de Thierry 1e l'a ensuite envoyé à la cour du roi franc pour l'impressionner.

Oldcook : la cuisine du Haut Moyen Age : Thierry 1e

Anthime écrit, en latin, pour Thierry 1e un traité de diététique sous forme de lettre (Epistula anthimi), comprenant une préface et un catalogue de 91 paragraphes présentant des aliments, avec des indications médicales et culinaires.

Le De observatione ciborum se rapproche davantage des livres de diététique antique que du livre de cuisine De re coquinaria. Mais, contrairement aux livres de diététique traditionnelle, il se contente de développer la partie description des aliments en oubliant les indications médicales traditionnelles aux livres de diététique hippocratique concernant le climat ou les exercices physiques. Et les indications diététiques sur les aliments se transforment parfois en recettes de cuisine.

Ces recettes sont très souvent présentées de manière sommaire :

La tétine de truie, elle aussi, est bonne frite ou bouillie. [… ] La plie ou la sole … conviennent bien bouillies dans l'huile et du sel. (Traduction C.Deroux).

Elles peuvent être plus développées :

Les lièvres, quand ils sont jeunes, conviennent, eux aussi, s'ils sont mangés avec une sauce douce contenant du poivre, quelques clous de girofle, du gingembre, du costus, du nard, épi ou feuille. (Traduction C.Deroux).

On retrouve ce mélange d'épices (le gingembre étant remplacé par le poivre) dans une recette nettement plus détaillée de vache braisée. Cette recette rajoute du vinaigre et du miel ou de la sapa (vin cuit réduit de moitié) pour donner à la sauce une saveur aigre douce très romaine.

De même que Vinidarius s'inspirait de la cuisine romaine tout en apportant des innovations, Anthime présente des indications culinaires ou diététiques dans la tradition gréco-romaine, des aspects de la tradition culinaire franque, mais également des recettes nouvelles. Liliane Plouvier estime qu'Anthime est "l'inventeur" d'une recette proche des œufs à la neige (Afratus) et d'une autre qui annonce les quenelles de brochet (Spumeum de brochet), peut-être des recettes d'origine byzantine.

Le porc (viande plus germaine que latine) concerne 7 paragraphes, le lard remplace l'huile d'olive. Anthime justifie même la pratique germanique de manger du lard cru alors que dans la tradition romaine, le cuit est supérieur au cru : ce médecin s'adapte à la culture franque de son maître, en bon diplomate qui n'ose désapprouver certaines pratiques, même si elles semblent contraires à la culture médiale antique, tout en indiquant, malgré tout, ce qui est meilleur !

Oldcook : la cuisine du Haut Moyen Age : Anthime, De observatione ciborum

De observatione ciborum

Anthime recommande donc la cervoise mais propose de réserver laitages et beurre, dont les Francs sont de grands amateurs, pour les malades et conseille l'huile d'olive. Il propose de privilégier la cuisson des aliments et la viande bouillie (symbole de civilisation), meilleurs pour la santé, selon la théorie hippocratique des humeurs, alors que les Francs aiment la viande rôtie (symbole de barbarie), voire crue. Il condamne la consommation excessive de viande et lait pour privilégier les légumes, selon l'habitude antique.

Viandes d'élevage (porc, agneau, chevreau, bovins), viandes de basse cour (poule, coq, oie, paon, faisan) et gibiers à poil (chevreuil, sanglier, lièvre) ou à plumes (tourterelle, étourneau, grue, perdrix, pigeon, moineau, becfigue, canard et outarde) sont étudiés. Poissons de rivière (truite, perche, brochet, saumon, esturgeon, anguille, goujon, lamproie) ou de mer (plie, sole, peigne de mer) ainsi que les huîtres sont également décrits. Mais 44% des aliments décrits concernent légumes ou céréales.

Texte intégral en latin.

Conclusion

Le Haut Moyen Age est une période de transition entre la culture romaine et la culture médiévale. Les élites franques sont en fait très romanisées. Par exemple, le code d'Euric chez les Wisigoths d'Espagne, vers 476, comme le Bréviaire d'Alaric chez les Wisigoths du sud de la Gaulle, en 506, comme la loi Gombette, des Burgondes au début du 6e siècle, sont des ouvrages juridiques fortement marqués par le droit romain.

L'alimentation du Haut Moyen Age est un syncrétisme culinaire entre la cuisine romaine et la cuisine franque et annonce la cuisine médiévale. La chasse, accessible à tous, permet une alimentation riche en protéines et la viande est un élément important du repas. Malgré des périodes troublées, les paysans et les pauvres ont une alimentation plus diversifiée que dans les époques suivantes.

Bibliographie


Haut de page